Le parcours de demandeur d’asile en France est complexe, semé de réussites, de difficultés et de contradictions dues au durcissement de la loi dans notre pays. Assistante de cours cette année à la Cimade, association d’accueil et d’entraide, j’ai interviewé trois femmes : la présidente, une bénévole et une demandeuse d’asile.
« J », présidente de l’association pour la région
« J » a beaucoup de travail. La Cimade¹ Languedoc-Roussillon emploie 13 salariés et 25 bénévoles. Elle doit notamment faire circuler les informations de divers groupes régionaux vers la direction centrale, assister à des réunions comme les états généraux des migrations et lutter contre des groupes racistes. Il y a les permanences juridiques, le centre d’accueil, l’apprentissage du français, les ateliers (cuisine et autres), le volet culturel, le festival « Migrant’scène », … La Cimade qui gère avec succès l’aide juridique essaie d’adapter les procédures aux réalités humanitaires en respectant la loi. Et de travailler sur la dignité de la personne sans être figée sur des procédures à mettre en œuvre. L’alphabétisation est confiée à des bénévoles plus ou moins professionnels.
« F » ou la grande solitude du bénévole de fond
C’est ainsi que « F » détermine son rôle à la Cimade. « Enseigner à des adultes n’ayant jamais été à l’école dans leur propre langue, à des personnes illettrées, est mission impossible. Par ailleurs ne pas répondre aux besoins des migrants, est méprisant pour eux », estime « F » scandalisée par le « c‘est mieux que rien » que certains lui renvoient à la figure quand elle évoque les difficultés pédagogiques. Elle déplore un manque de concertation et d’organisation entre les bénévoles. À ces remarques « J » répond que les ces derniers n’ont qu’à s’entendre entre eux et assister aux nombreuses réunions de coordination. Elle rappelle que les apprenants sont en souffrance, sans papiers, donc qu’on ne peut pas être trop exigeant avec eux. Savoir parler la langue, démontrer une intégration et convaincre qu’on a sa place en France n’est pas logique quand on est habitué à raser les murs. Elle rappelle que les valeurs de l’association sont principalement le respect de la personne.
« V », demandeuse d’asile
Au terme d’un long périple, « V » est arrivée en France en 2016 avec son mari et ses 4 enfants. Elle vient d’être déboutée² malgré le soutien dévoué de la Cimade de Béziers où elle a reçu des cours d’alphabétisations donnés par « F » que j’assistais. Cuisinière pendant treize ans dans son pays, « V » espère se reconvertir en France. Seulement, sans papiers : impossible. Contre toute logique lorsqu’on est demandeur d’asile ici, on ne peut être engagé officiellement. Alors que si on est en situation illégale on peut être embauché à condition que le patron contourne la loi… Et pour obtenir le droit de travailler, il faut justifier d’une activité… Actuellement la famille de « V » est toujours soutenue par l’association qui veille à son statut juridique et l’héberge encore pour peu de temps avec le concours du CADA³. « V » fait la cuisine à la Cimade et s’occupe du jardin potager en tant que bénévole.
Vivre sans papiers en France
Le pays de « V » n’est pas en guerre. Ses problèmes intérieurs mettent en cause la sécurité des personnes. L’état ne fonctionne pas bien, ce qui ne lui permet pas de protéger ses ressortissants. Voilà pourquoi, en désespoir de cause, cette famille a opté pour la solution Française. « C’est dur d’être ici sans papiers, sans travail, avec la barrière linguistique et avec l’étiquette de réfugiés économiques », confirme « V ». Pour subsister la famille se débrouille comme elle peut. Une fois par semaine en été elle va aux « restos du cœur » et deux fois l’hiver. Le fils aîné, coiffeur dans son pays, exécute quelques travaux de maçonnerie quand il peut, les autres enfants sont à l’école.
Enfin, et pour terminer, je dirais que le côté humain de la Cimade est remarquable, même si l’organisation pourrait être améliorée dans certains domaines. Et, au terme de notre mission, lorsque nous nous sommes séparées de nos élèves, nous avions de grosses larmes aux yeux !
Isabelle Brisson
Mid&SudOuest
¹Cimade : Association ayant pour but de manifester une solidarité active avec les personnes opprimées et exploitées. Elle défend la dignité et les droits des personnes réfugiées et migrantes, quelles que soient leurs origines, leurs opinions politiques ou leurs convictions.
²Refusés. Alternative Hôtel est une solution mise en place par le Conseil Général pour les déboutés qui avaient le droit d’être provisoirement logés à l’hôtel.
³CADA : Centre d’accueil de demandeurs d’asile. Il y en a 5 dans l’Hérault et 80 places à Béziers.