Vivre ensemble, ça s’apprend

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Comment endiguer la violence autour de nous, en nous ? Avant tout, en identifiant les différentes formes qu’elle peut revêtir afin de mieux la prévenir et la réguler. Les réponses proposées ici s’appliquent à tous âges, même s’il est primordial d’éduquer les jeunes qui nous entourent pour combattre ce fléau dès leur plus jeune âge.

« Il est difficile de parler de la violence sans envisager son propre rapport à la violence. Elle est tapie au coeur de chacun d’entre nous. » JM Petitclerc

Qu’est-ce qui pousse à la violence ?

Les enfants d’aujourd’hui grandissent dans un monde différent de celui dans lequel nous avons grandi. Il est plus difficile d’être jeune dans notre société post-industrielle marquée par la révolution du numérique où il est notamment plus dur de se projeter dans l’avenir (nous ne connaissons que 50% des métiers qui existeront en 2050). Or il est malaisé d’éduquer en période de mutation. Quand il n’y a plus de consensus, la confiance s’estompe et aboutit à la violence dont il existe trois types principaux qu’il est essentiel de décrypter pour la désamorcer. Quelque puisse être le comportement de son interlocuteur, il a ses raisons qu’il faut apprendre à déchiffrer.

« La colère c’est naturel. La paix n’est pas naturelle, ça s’apprend. » JM Petitclerc

La violence d’expression

♦De quoi s’agit-il ? Cette forme de violence n’est pas liée à la situation au moment où elle s’exprime, mais à la tension intérieure de celui qui explose. C’est une façon de communiquer son mal être. « Plus je suis mal à l’intérieur, moins je peux supporter une sollicitation extérieure. » Jean-Marie Petitclerc¹ rappelle que les jeunes qui cassent et agressent sont bien souvent des handicapés du langage émotif².
♦Comment prévenir et réguler : Accroître l’écoute face à ce type de violence et laisser l’autre choisir le moment du dialogue (quand on a peur de la réaction d’autrui, on choisit généralement le plus mauvais moment pour lui parler…). Favoriser la culture est un moyen de développer le langage émotif. Il est ainsi bon de permettre à la personne violente d’y accéder (dessin, peinture, théâtre, etc.).

« Comprendre ne veut pas dire excuser, mais permet de trouver un mode de résolution. » JM Petitclerc

La violence d’affirmation

♦De quoi s’agit-il ? Dans ce type de violence, bien souvent la personne a une mauvaise image d’elle-même, ne se sent pas reconnue, a peur d’être manipulée par l’autre. Il s’agit d’une violence de provocation qui surgit souvent au moment de l’adolescence. L’ado a besoin de l’adulte, mais celui-ci menace son désir d’autonomie, sa soif de liberté.
♦Comment prévenir et réguler : Reconnaître les talents et compétences de l’autre, renforcer l’estime de soi, renvoyer du positif, surtout ne pas qualifier la personne par son acte. « Tu as commis un délit, mais tu n’es pas un délinquant.³ » Plus un individu sera reconnu dans ses talents, moins il aura besoin de la violence pour s’exprimer.

« Réguler par la médiation c’est apprendre à gérer les conflits, mais ne pas les résoudre à la place de l’autre. » JM Petitclerc

La violence mode d’action

♦De quoi s’agit-il ? Pour obtenir quelque chose que je ne pense pas obtenir par d’autres moyens, parce que je ne crois plus au dialogue, je choisis la violence. Il s’agit d’une stratégie d’action.
♦Comment prévenir et réguler : Ici la seule réponse c’est interdire et sanctionner pour éviter que cela ne recommence. La sanction permet la réparation et la restauration dans le groupe social. Une sanction appropriée entraîne une prise de conscience des conséquences de ses actes, c’est un outil de responsabilisation.

« Je sanctionne un acte, je punis une personne. » JM Petitclerc

Oui, vivre ensemble, sans la violence, c’est possible, si nous éduquons nos enfants et nous-mêmes à la fraternité et au respect de l’autre. La tolérance ne suffit pas : « Je te respecte, mais je ne tolère pas tous tes actes. » Libérer l’expression est tout aussi vital, car cela concourt à l’apaisement de la violence. L’écoute est ici le maître-mot.

Marie-Hélène Cossé

¹Intervenant à une conférence organisée par le formidable groupe Paroles de Femmes en janvier dernier, Jean-Marie Petitclerc, prêtre catholique salésien, polytechnicien, écrivain, est éducateur spécialisé et expert des questions d’éducation dans les zones sensibles.
²Majoritaire chez les filles, ce qui les protège de la violence, le langage émotif  ne l’est pas chez les garçons qui utilisent majoritairement le langage informatif.
³« Tu as fait une connerie n’est pas : tu es con. Ta copie vaut deux n’est pas : tu vaux deux. Il n’y a pas de bon ou de mauvais élève, il y a une bonne ou une mauvaise copie. »

EN SAVOIR PLUS

Mon combat contre la violence de Jean-Marie Petitclerc (Bayard, 2005)
L’homme agressif de Pierre Karli (Odile Jacob, 2017)
Les langages de l’amour de Gary Chapman (Editions Poche)
La paix ça s’apprend ! co-écrit par Thomas d’Ansembourg et David van Reybrouck (Domaine du possible, Actes Sud, 2016). Lire notre article.

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