Je me suis dépêchée pour arriver à l’heure malgré la pluie qui arrosait Paris, mais elle était déjà là quand je suis arrivée. Grande, souriante, presque joyeuse, et si élégante avec ce regard bienveillant que nous lui connaissons tous, nous les spectateurs du Théâtre du Châtelet venus ce soir-là rendre un hommage à celle qui aurait eu 100 ans cette année, Ingrid Bergman.
Télévision, théâtre et cinéma, elle était comédienne dans l’âme. Une vocation qui lui est venue vers l’âge de 11 ans car elle aimait jouer, exprimer des sentiments tristes et gais et vivre des vies qui ne lui appartenaient pas. D’Alfred Hitchcock (Hitch comme elle le surnommait) à Jean Renoir, en passant par George Cukor, Victor Fleming ou Roberto Rossellini, son second mari, tous ont façonné cette pierre brute qui ne demandait qu’à être polie. Et mis en lumière ce talent qu’elle avait pour composer des héroïnes comme celle d’ Aimez-vous Brahms ?, du Crime de l’Orient-Express, de Pour qui sonne le glas ? ou de Casablanca (Ah ! rappelez-vous Humphrey Bogart).
Une réunion de famille avec Isabelle Rossellini assise devant moi qui nous accueillait dans son salon pour feuilleter ensemble ses albums de photos. Clichés en noir et blanc ou en couleurs, extraits de films en anglais, en suédois et en italien, et tant de regards amicaux portés sur elle, Cary Grant, Gary Cooper ou Anthony Perkins, tout Hollywood m’a acceptée pour un soir comme témoin de leurs relations privilégiées. Une heure trente de l’histoire d’une vie racontée par Fanny Ardant, belle et touchante, et Gérard Depardieu, imposant et humble à la fois, celle d’une femme libre mais dépendante du regard des autres, celle qui a aimé des hommes au mépris des scandales qu’elle a fait naître en Amérique ou en Italie, à une époque où on ne plaisantait pas avec la morale et l’institution du mariage. Mère aimante mais convaincue que la femme pouvait trouver sa place dans la société tout en travaillant, elle a été avant la lettre une femme moderne.
Sa fille n’a pas versé une larme, peut-être a-t-elle hérité de la joie de vivre de sa mère, mais nous tous dans la salle avions l’œil humide ! Ce fut une réunion de famille très réussie puisque même Ingrid Bergman sur grand écran avait le sourire en nous disant au revoir d’un geste familier de la main. Pour un peu, j’ai failli embrasser mon voisin comme si je quittais un lointain cousin revu à cette occasion !
Vicky Sommet
The Ingrid Bergman Tribute, hommage théâtral d’un seul soir à l’une des plus grandes actrices du 20e siècle (Londres le 6 septembre, New York le 12 septembre, Paris le 5 octobre, Rome enfin le 11 octobre).