Au Moyen-Âge apparaît l’art du « trobar » en Languedoc. Des poètes et des musiciens chantent l’amour courtois en langue occitane. Sur quatre cent cinquante auteurs répertoriés historiquement, seulement une vingtaine de femmes troubadours (Trobairitz) sont signalées, mais la Dame en tant que muse reste pourtant au cœur de cet art.
Les troubadours ont inventé l’amour. La poésie occitane, née de l’imagination, parle d’une seule et unique chose : l’Amour. Ainsi, les troubadours ont-ils inventé l’amour : le « fin amour », l’amour courtois. À partir du Moyen-Âge cet artiste est donc celui qui compose et chante des poèmes en langue d’oc, c’est-à-dire en occitan. Au Nord de la Loire on parle une langue qui deviendra ensuite le Français et qui est portée par les trouvères. Beaucoup plus tard et surtout après l’invention de l’imprimerie les artistes anciennement appelés troubadours deviendront des poètes et des écrivains.
De rares femmes troubadours. L’image de la femme auteur de poèmes est ténue. Elle semblerait issue de milieux favorisés. Sa place parmi les troubadours divise encore les chercheurs actuellement. Son identité est portée par des mythes comme celui de Clémence Isaure (1659). Une égérie qui a inspiré de nombreuses représentations et qui aurait été une Trobairitz toulousaine du XIVe siècle, grande poétesse. On lui attribue la fondation ou la restauration des Jeux Floraux de Toulouse. Et sa renommée fut telle qu’elle est montée à Paris où elle trône au Jardin du Luxembourg.
Des Trobairitz parmi les trésors du Cirdoc¹. Un manuscrit (Ms 13) porte sur sept femmes troubadours. Il a été illustré de magnifiques dessins très fins à la plume et à l’encre. Ce manuscrit vaut pour sa représentation de la Comtesse de Die ayant vécu au Moyen-Âge. « Best-seller » au XVIe siècle, le texte a été attribué à Galaup de Chasteuil au XVIIe et serait en fait l’ouvrage de César de Notre-Dame, explique en substance Benjamin Assié, directeur du Cirdoc. Un document qu’il faut lire dans le contexte politique de l’époque qui tenait à justifier le bienfondé de l’Occitanie.
♦ La Fameuse Mireille (Mirèio), composée en 1859 par l’écrivain phare Frédéric Mistral est une œuvre en vers écrite en langue d’oc provençale. Elle a valu le prix Nobel à son auteur et a inspiré un Opéra à Bizet.
♦ Le dessin original d’une toile d’Henri Martin (1860-1943) qui a immortalisé sa muse sur le plafond du Capitole à Toulouse. Acquisition phare du Cirdoc, ce dessin original qui vaut plusieurs dizaines de milliers d’euros circule régulièrement en France. Il a été acquis dans une vente aux enchères à Rennes à un homme qui a découvert dans son garage une quarantaine de tableaux de cet artiste.
Des Trobairitz plus proches de nous. Jeanne Barthès (1898-1972) auteur de poèmes et de sonnets s’est attachée à maintenir, défendre et illustrer la langue d’Oc. Actuellement, ce sont les conteuses et les chanteuses qui ont pris le relais des Trobairitz. Notamment des artistes telle Ester Lucada transmettent par les contes la langue et la culture d’Oc. Y participent aussi des comédiennes de la Compagnie Gargamela ou des chanteuses telles Lise Gros ou celles du groupe de La Mal coiffée (en occitan cette dénomination concerne des femmes un peu simplettes).
Ainsi, bien que les femmes se soient montrées plutôt rares dans le domaine qui nous intéresse, elles n’en sont pas moins le centre des préoccupations des troubadours qui se sont attachés depuis le Haut Moyen-Âge à chanter « l’amor », donc la complémentarité entre les deux sexes.
Isabelle Brisson
Mid&Sud-Ouest
¹Le Cirdoc est situé à Béziers. C’est un conservatoire du patrimoine qui le préserve en le valorisant. Ce pôle, seule bibliothèque en France consacrée à une langue régionale, est associé à la Bibliothèque Nationale. Il intéresse aussi bien le grand public que les chercheurs et contient plus de 100 000 volumes, des iconographies, de la musique et une bibliothèque numérique (occitanica.eu). Un organisme qui fonctionne grâce à des donateurs, à des achats de manuscrits et autres documents répertoriés.
Lo Cirdoc 1 bis, bd Duguesclin – BP 180 – 34503 – Béziers. Tél : 0467118510