Salle d’attente du dentiste, 18h00. « Je ne sais pas comment vous faites pour lire avec ça ! » dit une femme assise face à moi alors que je suis plongée dans ma liseuse, « Moi, je n’y arrive pas. » La femme poursuit : « Le livre numérique tue à petit feu les éditeurs qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts et fait le jeu des gros distributeurs. Et à dire vrai, ces engins sont peu commodes, ils me font mal aux yeux. » De retour à la maison, je culpabilise et m’interroge. Les livres numériques (ebooks) sont-ils si mauvais pour l’industrie du livre et les libraires ?
Pour ou contre ?
Beaucoup de mes amies Mid&Plus n’ont pas de liseuse: elles sont fans de l’odeur du papier, de la joie de feuilleter un livre, du plaisir de le maltraiter (annotations, séjours à la plage, pages cornées) avant de lui faire rejoindre une étagère. Le livre est un objet d’amour et, comme dans toute histoire, la relation physique que nous entretenons avec lui compte. Est-ce à dire qu’il faille mépriser le numérique ?
À 90 ans, l’une de mes tantes vient d’acheter une liseuse : elle ne peut plus se rendre à la bibliothèque et adore lire. Grâce au prix modique des livres qu’elle télécharge, elle peut se livrer à son occupation favorite sans se ruiner et …en préservant ses yeux : contrairement à ce que disait la femme de la salle d’attente, il est possible de régler la taille des lettres et la luminosité de l’écran.
Une amie a trouvé cette solution pour éviter les conflits avec son conjoint qui ne supporte pas sa lampe allumée quand elle lit et qu’il veut dormir. Ce problème disparaît avec la liseuse à la luminosité douce.
Prix et partage au cœur du débat
Côté chiffres, les ventes numériques représentaient, en 2015, 6,5 % du CA du livre en France, 3,1 % si l’on enlève l’édition professionnelle. Un éditeur parle d’une croissance du marché numérique d’environ 1% par an. Selon les données fournies par GfK, en termes de ventes au détail, la librairie reste le premier circuit de distribution de livres en France. Les libraires ont encore de beaux jours devant eux d’autant plus que les supermarchés se désengagent du rayon Culture¹.
Côté éditeurs, je remarque que la plupart des nouveaux titres papiers sortent aussi en numérique. Mais ces versions restent chères. C’est peut-être l’une des explications du développement sur la toile, d’un marché exclusivement numérique à des prix allant de 0 à 6 euros.
Pour ma part, j’utilise le numérique en voyage. Pratique : quinze livres ne pèsent que quelques grammes. J’ai aussi appris le volume que peut prendre une bibliothèque lors de mes multiples déménagements: du coup je télécharge plus souvent des livres et, si l’un d’eux me plaît, j’achèterai sa version papier. Cela me permettra de partager mes découvertes : on prête un livre plus facilement qu’une liseuse. On le donne aussi ! Les cadeaux représentent 40 % des ventes de livres.
Dans tous les cas, le grand gagnant, c’est la lecture !
Isabelle Haynes
Mid&Londres
Mon nouveau roman : La fuite des poulets roumains (FNAC ou Amazon)
¹Chiffres clés de l’édition (Syndicat National de l’édition).