« Il ne s’agit pas d’une exposition sur la représentation des Noirs perçus comme groupe social », précise Laurence Des Cars, présidente des musées d’Orsay et de l’Orangerie, « c‘est au modèle que nous nous intéressons. » Qui sont-ils, ces grands oubliés que présente le Musée d’Orsay dans une exposition qui leur est dédiée ?
Le scandale Olympia
Elle vous fixe de son regard, elle expose la blancheur de son corps nu, ou presque, puisqu’elle cache son sexe de sa main gauche. Elle est allongée sur des draps blancs tandis que Laure, sa servante, lui tend un bouquet livré dans un beau papier blanc. Laure est noire. Dans le tableau de Manet, elle se confond avec le fond du tableau. Au salon de 1865, le scandale se concentrait sur la nudité d’Olympia.
Aujourd’hui à Orsay, dans le cadre de l’exposition Le Modèle Noir de Géricault à Matisse, c’est la servante noire que l’on vient voir. Les modèles noirs, restés anonymes longtemps, sortent de l’oubli. Cette exposition veut nous éclairer sur leur destin et surtout sur notre regard de contemporain. Manet note dans son carnet « Laure très belle noire, 11, rue de Vintimille, 3ème étage ». Géricault fera poser le très célèbre modèle professionnel noir Joseph, né à Saint Domingue, pour le radeau de la méduse.
Une approche pluridisciplinaire
Le modèle noir est aussi présent en littérature : Alexandre Dumas, Jeanne Duval maîtresse de Baudelaire, dans les arts du spectacle : Miss Lala au cirque Fernando (E.Degas), Joséphine Baker, incarnation de la beauté exotique, chanteuse et danseuse qui sut jouer avec son image et se moquer des préjugés.
Cette exposition adopte une approche pluridisciplinaire, entre histoire de l’art et histoire des idées, et cherche à dévoiler le double sens du mot « modèle » – sujet regardé représenté par l’artiste, aussi bien que porteur de valeurs. Elle s’interroge sur la question de la représentation des figures noires dans les arts visuels depuis l’abolition de l’esclavage (1794) jusqu’à nos jours. À travers les œuvres majeures de Géricault, Cordier, Carpeaux, Manet, Cézanne, Matisse, on explore les liens qui unissent le peintre, le sculpteur, le photographe à leur modèle.
Pour Larry Rivers, I like Olympia in Black face (1970), son modèle n’est plus l’Olympia blanche et sa servante noire, c’est l’Olympia Noire à qui Laure, blanche, tend le bouquet que le client vient d’offrir à la belle allongée. C’est dans la dernière salle de l’exposition que vous pourrez voir cette œuvre en trois dimensions.
Florence James
Une lectrice Mid&Plus
Exposition Le Modèle Noir de Géricault à Matisse au musée d’Orsay jusqu’au 21 juillet 2019