En moyenne, 219 000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes de violences chaque année¹ en France. M. vient de perdre son mari, un homme qui la battait, mais elle est triste : « Je l’aimais mon Riri » écrit-elle pour annoncer sa disparition. Une attitude qui peut peut-être se comprendre.
Une rencontre prometteuse
L’esprit caustique, lettré et un brin cynique d’H. séduit M. Il n’est pas comme tout le monde, un vrai puits de science qu’il met au service du périodique pour lequel il travaille. Les idées politiques du journal un peu extrémistes ne sont pas du tout celles de M. Cela les mène à des joutes oratoires passionnantes qui les amusent et les rapprochent jusqu’au mariage.
Et les coups pleuvent
Très vite M. reçoit un coup de poing de son mari sur le bras, parce qu’elle n’a pas fait ce qu’il faut, comme il faut, à temps. Puis une gifle : elle a le culot de faire tomber un oignon par terre dans la cuisine. Au début elle croit que c’est la boisson qui le pousse. Il s’arrête de boire pendant dix ans… Il Ia bat quand même. « Nous n’étions pas sado-masos », affirme M., « mais il était pervers ». Une grande intelligence mise au service de la perversion… Plus dur encore pour elle quand il prend sa retraite. Pour ne pas la voir, il sort le matin boire un coup au café du village. Et il lui demande de dégager jusqu’au soir. Heureusement elle a de bonnes copines.
Des faits inéluctables
Trop tard, M. apprend que, petit, H. bat sa sœur que leur mère enferme pour la protéger. On ne lui dit rien à lui qui est le seul garçon. Sa mère pense maintenant qu’elle a raté quelque chose dans son éducation. En réalité elle n’y pouvait rien. H., atteint de désordres psychiques, aurait dû voir un psy, mais à l’époque, la démarche était rare. C’est ainsi que M. a appartenu à la catégorie selon laquelle 3 femmes victimes sur 4 déclarent avoir subi des faits répétés, 8 femmes victimes sur 10 déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou des agressions verbales.
Maintenant son Riri est mort. M. lui a pardonné. Comme les centaines de milliers de femmes battues, notre interlocutrice n’a pas su s’en aller. Dans son cas, la possession de la moitié de leur maison a sûrement joué un rôle pour la retenir.
Isabelle Brisson
¹Source : enquête « Cadre de vie et sécurité » 2012-2018 – INSEE-ONDRP.
Quelques chiffres
Le terme « féminicide » est entré dans notre vocabulaire. (« Fémicides » pour l’OMS qui en distingue plusieurs sortes). Les chiffres pour 2019 seraient provisoirement de 131 en France. Un état des lieux a été dressé par La Mission sur les homicides conjugaux du Ministère de la Justice (Inspection générale de la justice) après examen de 88 dossiers. Il en ressort notamment que :
– Dans 65% des cas où des violences existaient avant le meurtre, la police avait été informée.
– Seules 18% des mains courantes aboutissent à une enquête.
– 80% des plaintes sont classées sans suite.
– 15% des auteurs sont récidivistes.
– Les victimes de violences peuvent contacter le 3919, gratuitement et anonymement. De 9 heures à 22 heures du lundi au vendredi et de 9 heures à 18 heures les samedis, dimanches et jours fériés.Violence sexistes et sexuelles : réagir peut tout changer. Appeler le 3919 pour recevoir de l’aide gratuitement et anonymement.