Le Japon est un haut-lieu de la civilisation et quand on a respiré à pleins poumons l’air des cimes, on n’a pas vraiment envie de redescendre dans la vallée ! Voilà, en vrac, après cinq ans passés à Tokyo, quelques expériences du Japon qui m’ont enrichie et vont me permettre de continuer mon aventure personnelle.
Une expérience culturelle inoubliable
Une représentation de Nô¹ au moment de la pleine lune dans le sanctuaire shinto de Itsukushima sur l’île de Miyajima. En tant qu’étranger assister à un tel spectacle vous plonge dans l’altérité absolue et on ne peut que se raccrocher à la beauté des brocards, à la musique vocale et instrumentale au déambulement insolite des acteurs, « ce n ‘est pas l’homme qui regarde, c’est le masque qui voit »², mais que voit-il ? J’ai quitté le Japon sans en avoir la révélation. Une direction peut être. Impossible de comprendre ce qui se trame dans ce monde des esprits et des fantômes.
Une dégustation sublime
Mishima évoque dans « Le tumulte des flots » ces plongeuses en apnée qui ramassent des abalones. J’ai eu la chance de partager lors d’une sortie dans la presqu’île d’Izu un repas avec l’une d’entre elles, dont le métier était d’attraper ces coquillages et du poisson harponné lors des sorties en mer. Elle a débarqué avec un énorme plateau de sashimi et une fois posé au milieu de la table, le tout étant présenté d’une manière tellement artistique, mais comme allant de soi, je suis restée à me demander si il ne fallait pas plutôt le laisser intact afin de ne pas entamer le rêve, le souvenir de ces espèces inconnues. Depuis, je me suis promise de ne jamais goûter à du sashimi en dehors du Japon.
Un voyage de charme
Beaucoup d’entre nous ont vu le film « Voyage à Tokyo »³ et la visite d’Onomichi reste un beau souvenir d’abord parce qu’il permet de se replonger dans l’univers d’Ozu et ensuite parce qu’Onomichi est pleine de charme avec ses rues escarpées, même si l’ascension sur les hauteurs de la colline demande de l’endurance. C’est une ville hors du temps, un brin désuète, mais son côté vintage attire les jeunes, les artistes et on est surpris de découvrir des petits bars ou concept stores au hasard des promenades. J’aurais aimé y rester davantage et explorer les îles aux alentours reliées par d’innombrables circuits de bateaux. Le temps nous a toujours manqué.
De belles rencontres
Je ne regrette pas les efforts faits pour comprendre les Japonais. Merci à toutes ceux qui m’ont aidée, introduite, fait connaître, guidée, accueillie, expliqué malgré les différences culturelles. On se reverra, on se quitte parfois pour mieux se retrouver.
On a beau savoir que la clé du bonheur réside dans le présent, le passé n’a de cesse de hanter nos pensées. Tenter de le remiser au placard n’y change pas grand-chose. Il faut s’habituer à l’idée que les souvenirs ne sont pas nos ennemis et le passé une richesse. Je découvre le plaisir de les raconter tout en m’en éloignant le plus possible afin qu’ils ne ressemblent en rien à leur image sublimée. Il sera alors temps d’y retourner !
Michèle Robach
¹Forme de théâtre classique japonais, alliant la poésie à la danse et à la musique.
²Georges Banu, L’acteur qui ne revient pas, Gallimard 1986.
³Tokyo Monogatari, film japonais de Yasujiro Ozu sorti en 1953 qui l’a rendu célèbre en Occident.