L’amour aurait-il disparu au Japon ?

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Un nombre croissant de Japonais ne se marient pas. Il y a les célibataires à vie et les quinquagénaires qui n’ont jamais été mariés. Le nombre de Japonais toujours célibataires à l’âge de 50 ans a augmenté dans des proportions inquiétantes. C’est le cas de 23,5 % des hommes et un plus haut historique et de 14,06% pour les femmes. En 1970, 1,70% des hommes et 3,33% des femmes n’avaient jamais été mariés à cet âge¹.

C’est plutôt le modèle du mariage qui est en crise. Les mariages arrangés disparaissent au profit des mariages d’amour. Dans son magnifique roman, Les quatre sœurs,  Junichiro Tanizaki décrit en détail le mariage arrangé. Cette pratique s’est prolongée au delà de la fin de la deuxième guerre mondiale, mais désormais, les jeunes s’affranchissent de l’approbation des parents. La pression sociale est moindre. En 1959, le mariage du prince Akihito (futur empereur) avec Michiko Shôda a été vécu comme le symbole de l’avènement du mariage d’amour au Japon.

 

Les Japonaises sont plus exigeantes. Dans les années 60, ce sont « les 3 G » qui prévalent parmi les critères exigés : il faut que l’homme ait un Grand salaire, sorte d’une Grande université, soit de Grande taille. Dans les années 80, les femmes exigent d’un partenaire les « 3 C » : il faut que l’on soit Confortable, que l’on puisse Communiquer avec lui et qu’il Coopère à la vie domestique. La relation affective devient plus importante.

Mais la situation économique est la plus convaincante explication au ralentissement des mariages au Japon. Pour les hommes, les faibles perspectives d’amélioration économique sont un facteur important pour expliquer non seulement qu’ils aient du mal à trouver une épouse, mais aussi qu’ils n’aient pas envie de se marier. Dans un pays où seulement 60% de la population salariée a un emploi fixe, les enquêtes attestent des correspondances entre emploi, niveau de revenus et célibat. Les femmes se heurtent à une division des tâches figée. Une forte pression sociale continue de peser sur elles : l’idée qu’il est bon pour l’enfant que la totalité de son éducation soit prise en charge par la mère pendant ses premières années. Les femmes doivent souvent faire le choix entre mariage (et enfants) et travail ou, plus précisément, qualité du travail : la plupart devant s’arrêter quelques années ou diminuer leur activité, elles se retrouvent alors cantonnées dans des emplois peu qualifiés et instables.

Pourtant la famille reste perçue comme le vecteur premier d’intégration sociale. L’effondrement du  taux de fécondité est un vrai problème. Les normes vont devoir changer et les structures sociales évoluer.

Michèle Robach
Mid&Japon

¹National Institute of Population and Social Security, sur la base d’une enquête établie à partir de données portant sur 2015 (dernière étude publiée).

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