Apprivoiser la mort

0

Séparer la vie de la mort est un oxymore, car « on emporte ses morts partout avec soi, s’ils restaient au cimetière, ça se saurait » écrit avec bon sens Delphine Horvilleur, dont une grande partie de la vie consiste à accompagner les vivants qui perdent un être cher. Nulle ne naît rabbine, on le devient au fil des deuils et des cérémonies… 

Accepter notre destination

Delphine Horvilleur partage dans son livre « Vivre avec nos morts » ce quotidien peu ordinaire dont ses amis ont l’habitude, quand elle décroche et dit « Impossible de te parler, je te rappelle après l’enterrement ». Car si chacun de nos ancêtres coule dans nos veines, nous avons parfois oublié ce que l’arbre de la connaissance a révélé au début de l’humanité, notre statut d’êtres mortels. Une connaissance que nous refoulons souvent, alors même que la mort fait partie de la vie et qu’elle est l’issue sur laquelle nous sommes tous d’une égalité parfaite.

« L’homme fait des plans et Dieu rigole ! » Proverbe yiddish

Conteuse par tradition

Son métier de rabbine conduit Delphine Horvilleur à raconter la tradition juive aux endeuillés, avec ce qu’elle a de magique, comme l’incandescence de celle ou celui qui vient de nous quitter, juste après le décès, matérialisé par une bougie allumée. « Le métier qui se rapproche le plus du mien, c’est conteur. » Un métier qui tisse des liens et des paniers, puisque « dor » est le mot juif qui désigne et le panier et la génération, une vision poétique de la façon dont nos aïeux et nos parents, en nous quittant et fermant leur cycle, nous portent et nous soutiennent encore.

« Ne jamais raconter la vie par sa fin, mais par tout ce qui, en elle, s’est cru « sans fin ».

L’ouvrage raconte avec humanité la mort de celles et ceux dont la vie s’est cru « sans fin ». Et de Myriam, que je vous laisse découvrir pour être, comme elle, délivrée de toute envie de faire une « wish list » de vos funérailles. On sort très vivant et apaisé de la lecture de cet ouvrage, en laissant nos peurs à l’intérieur des pages et l’humour sur nos lèvres. Parlons de la mort pour la faire danser avec la vie !

Anne-Claire Gagnon

« Vivre avec nos morts » de Delphine Horvilleur (Éditions Grasset, 2021)

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.