Poursuivant inlassablement son interrogation sur le corps et sur la notion d’équilibre, la plasticienne Prune Nourry, à travers son projet Phenix, emmène le visiteur par la main et à l’aveugle pour une expérience sensorielle et artistique bouleversante.
Renaître de ses cendres
À peine son parcours fléché Amazones Erogènes du Bon Marché estompé, Prune Nourry présente son nouveau projet Phenix. Se bandant les yeux, elle a invité dans son atelier huit personnes déficientes visuelles afin de modeler leurs portraits à l’argile, les mouler et les cuire selon la technique ancestrale japonaise du Raku basée sur un refroidissement des pièces incandescentes dans un lit de cendres végétales. Un travail de création effectué juste et seulement au toucher et à l’écoute de ses modèles !
Du bout des doigts
Plongé dans un noir absolu, le visiteur est invité à se laisser guider à l’aide d’une tresse de corde et de bandes podotactiles vers les huit bustes. Liberté à chacun de les explorer, de les palper et d’imaginer les traits du modèle et son histoire. Là une fosse temporale prononcée, là une cicatrice sur une arête de nez, ici un catogan, une oreille décollée ou une bouche charnue. Des indices filtrent à l’écoute d’une bande-son enregistrée lors des longues séances de pose.
Tel un phénix surgissant de ses cendres, chaque portrait contient ainsi la métaphore d’une renaissance.
La tradition du portrait
Entre les deux salles obscures d’exposition, un court-métrage signé Prune Nourry et Vincent Lorca (accessible en audiodescription) révèle uniquement le cadre de l’atelier et les mains de l’artiste au travail, ainsi que les conversations intimes entre les personnes non-voyantes et la plasticienne. Quel moment émouvant que celui où un homme demande d’avoir le droit à son tour de toucher le visage de l’artiste. À ce jour cette dernière ne les a jamais vues tout comme ses sculptures finalisées.
Étrange sensation que celle de renter dans l’obscurité d’une galerie, lieu qui généralement n’existe que par ce qu’il donne à voir. Pour une fois que l’on a le droit de toucher aux œuvres, ne nous privons pas de cette expérience unique qui peut entraîner au bord du vacillement.
Christine Fleurot
Prune Nourry – Projet Phenix – jusqu’au 23 octobre 2021 – Galerie Templon – 30 rue Beaubourg – 75003 Paris.
Autre actualité :
Sortie de son livre Aux Amazones (Éditions Marabout – € 20) : un témoignage personnel et inspirant sur son combat contre un cancer du sein mêlé à des informations pratiques et des textes d’experts, infirmière, médecin, psychologue, chercheur, philosophe, chef étoilé… Des exemplaires sont diffusés gratuitement dans les hôpitaux et instituts.