Consacrer son existence à la protection et la mise en valeur du patrimoine, c’est bien l’une des grandes passions, si ce n’est la vocation, de Caroline Murat, Isabelle de Gourcuff et Alice Guyot. Ces trois femmes ont en commun la conscience de la richesse que représentent les héritages tangibles de notre passé et une indéniable sensibilité à la beauté qui émane de ces œuvres, monuments et paysages.
Caroline, l’esthète
À l’apogée de l’Empire, la plus jeune sœur de l’empereur Napoléon 1er, Caroline Bonaparte, qui a épousé le maréchal d’Empire Joachim Murat, obtient la couronne de Naples. De 1808 à 1814, son rôle de souveraine lui permet de se consacrer au mécénat, de révéler son talent de collectionneuse mais aussi de s’entourer de nombreux artistes. Poussée par son vif intérêt pour l’Antiquité, Caroline entreprend de continuer les fouilles archéologiques sur les sites de Pompéi et d’Herculanum initiées par Charles de Bourbon dès 1748. Elle pose ainsi les premières pierres de la pratique de l’archéologie fondée sur l’étude de civilisations anciennes à travers les vestiges qui leur subsistent, science qui se développera par la suite. Au cœur de cet essor européen du néoclassicisme, les découvertes d’œuvres antiques exceptionnelles stimulent l’imagination et la créativité de Caroline qui imagine de splendides pièces d’ameublement hybrides, composées de matériaux à la fois antiques et contemporains. La jeune reine de Naples cultive ainsi son goût très sûr en matière artistique, elle conserve et expose notamment les œuvres issues des fouilles au pied du Vésuve dans le Palais royal de ce royaume italien.
À l’aube du 19ème siècle, Caroline insuffle ainsi un vent de modernité dans la mise en valeur des ruines de l’Antiquité romaine du 1er siècle avant J.-C, découvertes dans la magnifique baie de Naples.
Isabelle, la gestionnaire
Caroline Murat n’est pas la seule femme à avoir posé un nouveau regard sur un patrimoine délaissé et négligé, comme ont pu l’être les villes campaniennes oubliées et ensevelies d’Herculanum et de Pompéi. Près de trente ans ont passé depuis qu’Isabelle de Gourcuff a commencé à œuvrer pour la mise en valeur et la conservation de monuments d’exception. Parmi ceux-ci, on peut compter plusieurs sites remarquables, tels le domaine de Chambord, le château de Pierrefonds, la Sainte Chapelle, les tours de Notre-Dame de Paris ou encore le château de Fontainebleau. À peine sortie d’une école de traduction, Isabelle de Gourcuff s’est fait une place au sein du Centre des Monuments Nationaux, institution où elle a réalisé toute sa carrière, après avoir gravi les échelons et multiplié les expériences.
Gestionnaire et administratrice de monuments parmi les plus célèbres de France, Isabelle de Gourcuff est animée par une véritable passion, celle de la transmission de sa connaissance du patrimoine au plus grand nombre et plus particulièrement aux jeunes générations. À ses yeux, il est fondamental que chacun ait connaissance du passé de la France. En effet, l’histoire lui semble être incarnée par ces lieux extraordinaires qui sont la mémoire de notre pays. Cette conscience aigüe de la valeur historique de ces sites exceptionnels, Isabelle de Gourcuff l’a développée dès son plus jeune âge au travers des innombrables visites de musées et monuments réalisées avec ses parents. Ce choix de profession que l’on pourrait apparenter à une vocation découle certainement de cette éducation qui, très jeune, l’a sensibilisée à l’univers de l’art, de l’architecture et de la culture. Toutefois, cette orientation professionnelle résulte aussi d’une expérience inoubliable, celle de la découverte du joyau qu’est le château de Chambord qui a profondément et irrémédiablement marquée la petite fille qu’elle était. Forte de son expérience d’administratrice, Madame de Gourcuff s’est désormais attelée à une entreprise de grande ampleur : la réhabilitation du domaine national de Rambouillet, ancienne résidence royale, impériale et présidentielle située au cœur de la forêt du même nom.
Profondément attachée au patrimoine français, Isabelle de Gourcuff s’engage donc dans un projet de valorisation, de transmission pour le domaine de Rambouillet, qu’elle souhaite faire rayonner et dont elle veut restaurer la splendeur. Mission ardue et ambitieuse, mais grandiose !
Alice, la jeune propriétaire
Parmi ces femmes œuvrant pour la réhabilitation du patrimoine, Alice Guyot n’est pas en reste. Châtelaine à dix-neuf ans, cette jeune femme a entrepris il y a quelques années de redonner vie et charme au château de Bridoire, propriété vandalisée, dévastée et laissée à l’abandon.
Autodidacte et sans avoir suivi de formation spécialisée, Alice Guyot ne se laisse pas décourager par l’ampleur de la tâche. Il faut dire qu’elle ne manque pas d’expérience dans le domaine : élevée au rythme des chantiers de rénovation de monuments mis en œuvre par ses parents, ces derniers lui ont transmis leur passion pour le patrimoine, mais aussi le goût de l’audace, puisqu’ils n’ont jamais reculé devant le caractère titanesque de leurs projets de sauvetage de sites historiques en péril. « Insurmontable » est un mot qui ne semble pas faire partie de son vocabulaire ! Avec sa jeunesse et sa détermination comme atouts, Alice Guyot aspire à écrire une nouvelle page du château de Bridoire en ouvrant grand ses portes au public. Ses mille et une idées sont mises au service de son désir d’émerveiller les visiteurs par la magie des lieux et de leur faire vivre une expérience unique dans un cadre chaleureux et familial. Pour séduire et captiver le plus grand nombre, Bridoire doit retrouver son âme, son identité et son éclat : c’est bien l’ambition d’Alice Guyot, qui se consacre corps et âme à cette mission pour le moins admirable.
Ces trois femmes ont ainsi voué leur existence à la réhabilitation de sites historiques exceptionnels de manière très diverse et complémentaire : Caroline Murat, en tant qu’esthète, Isabelle de Gourcuff en tant que gestionnaire et Alice Guyot en tant que jeune propriétaire. Toutes trois ont marqué de manière incontestable les lieux pour lesquels elles ont œuvré sans relâche, patrimoine qu’elles ont transfiguré à l’aune de leur passion ardente pour le Beau.
Maxence de Castelbajac
Étudiante en Licence III d’Histoire à la Faculté des lettres de Sorbonne Université
Article écrit dans le cadre de son projet de mémoire en collaboration avec Mid&Plus*
*Nous avons proposé à trois étudiantes à la Sorbonne, effectuant leur stage de fin de licence au sein de notre rédaction, de nous présenter, dans le cadre de leur travail de soumission de mémoire, des femmes pionnières d’hier, aujourd’hui et demain choisies dans leurs domaines de passion. Vous découvrirez cet été, publiés dans notre rubrique Arts & Lettres, leurs travaux dont les choix vous surprendront ou pas !
Marie-Hélène Cossé et Vicky Sommet