Pèlerine sur le Chemin de Compostelle, Marie-Félicie me raconte sa vie autour d’un café à la Maison Donamaria et quelle vie ! Sagesse, fidélité, dévouement sont les maîtres mots de cette femme médecin spécialisée en soins palliatifs. Quel message pour demain ?
« Je m’occuperai des personnes âgées »
Aussi loin que sa mémoire remonte, Marie-Félicie s’est toujours intéressée aux personnes âgées, intriguée par la sagesse qui émane d’eux. À son collège à Niort, un programme est mis en place où chaque enfant doit visiter une personne âgée régulièrement pour lui tenir compagnie. Au bout de quelques semaines, Marie-Félicie découvre qu’ils ne sont plus que deux dans sa classe à continuer les visites… Sa décision est prise, plus tard elle s’occupera de gens âgés. Une fois ses études de médecine à Poitiers terminées, elle part en Inde quelques mois, intriguée par les hospices de Mère Teresa. Elle découvre qu’il règne une paix indescriptible dans ces locaux sans intimité au beau milieu de Calcutta. Elle rentre en France confortée dans son choix de profession.
Prévenir et soulager la douleur
Le fait de concilier vie professionnelle et vie familiale a toujours orienté les choix de vie, notamment professionnelle¹, de Marie-Félicie. De retour à Niort où elle s’installe avec son mari médecin, quatre enfants en six ans la font opter pour la médecine du travail. Puis, elle se forme en soins palliatifs dans les années 1990-92, ainsi qu’en gériatrie et algologie (soulagement de la douleur). En 1998, Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la santé, débloque enfin des fonds pour la médecine palliative². Marie-Félicie avait alors déjà laissé tomber la médecine du travail pour la gériatrie, tout en montant des dossiers pour la création d’une équipe mobile de soins palliatifs. Elle intègre cette nouvelle équipe, première du département, qui intervient à l’hôpital d’abord, puis dans d’autres structures, notamment des maisons de retraite, et enfin à domicile. Elle crée aussi une association qui permet de se retrouver entre collègues au niveau régional afin de partager les avancées et les difficultés auxquels ils doivent faire face et de co-construire cette nouvelle approche de la médecine.
« Jusqu’au dernier instant »
Dans les années 2010, Marie-Félicie suit son mari qui part en poste en Nouvelle Calédonie pendant deux ans. Cette belle aventure lui permet d’écrire le livre³ qu’elle a en tête depuis plusieurs années sur son métier avec des témoignages de patients, de familles rencontrés au cours des 14 années où elle a exercé en soins palliatifs afin de graver dans le marbre certaines paroles, cette sagesse qu’elle recherchait. À son retour en métropole, sa candidature est retenue aux Sables d’Olonne où elle crée une nouvelle équipe de soins palliatifs à l’hôpital. Elle y est très bien accueillie et, pour cause !, cela fait dix ans que la structure était attendue. Quand je demande à Marie-Félicie ce qu’elle pense de la loi à l’étude actuellement sur le droit à mourir dans la dignité, sa réponse est claire :
« Il faut savoir que la grande majorité des gens ne veut pas la mort, mais simplement l’arrêt de ce qu’ils sont en train de vivre, notamment la souffrance. On peut aider des personnes âgées à mourir dignement sans pour autant provoquer délibérément leur mort. Bien souvent, ceux qui demandent un acte euthanasique pour mourir avec injection de substance provoquant la mort sont ceux qui ont voulu toute leur vie tout contrôler et décider de tout, alors que pour mourir un lâcher-prise est nécessaire. Il y a dans notre rendez-vous avec la mort des connaissances subtiles engrangées par les professionnels de soins palliatifs et d’autres qui sont essentielles et il y a toujours une singularité de chaque situation, un mystère. »
Après 7 ans de travail avec une petite équipe très motivée et 30 ans de ce métier passionnant passés à accueillir au quotidien souffrance et tristesse, mais épuisée de se battre auprès de l’administration pour obtenir plus de moyens pour étoffer les équipes, Marie-Félicie a pris sa retraite en début d’année, bien décidée à prendre enfin le temps de vivre après des années où elle s’aperçoit qu’elle a souvent été en surchauffe… « À vouloir garder un équilibre entre vie familiale et travail», dit-t-elle, « ce qui a un coût énergétique certain… »
Partie marcher sur le Chemin de Compostelle à la mi-août, elle réfléchit à l’après, ce qu’elle souhaite faire de cette troisième vie où elle ne veut plus être en « suractivité ». Elle pense se laisser du temps pour décider et forme le projet d’écrire en commençant par un deuxième livre sur les soins palliatifs. Il y a encore tant à dire !
Marie-Hélène Cossé
¹Pour Marie-Félicie, un métier, quel qu’il soit, doit répondre à 5 fondamentaux : l’intérêt du travail, l’aspect financier, les horaires, la qualité de vie au travail et enfin la capacité d’épanouissement. Cependant il est rare de trouver ces 5 points réunis, aussi est-il nécessaire de les prioriser en fonction des périodes de l’existence.
²En 1986 paraît la Circulaire Laroque qui donne une impulsion considérable à l’essor du mouvement des soins palliatifs en France.
³« Jusqu’au dernier instant » du Dr Marie-Félicie Rousseau (Éditions Humanis, 2013).