Le  couple, ce bri-colage si singulier

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Le couple a pris une place centrale dans la vie affective. Mais quels sont donc les éléments qui contribuent à le façonner ou à l’infléchir ?

Un modèle fragile

Être suffisamment autonome affectivement et matériellement pour pouvoir s’engager de façon désintéressée, proposer un projet de vie en commun, inscrit dans un avenir à construire à deux, une capacité de se proposer mutuellement des communications et des échanges de qualité qui seront à mettre en œuvre au quotidien pour alimenter, vivifier une relation de respect mutuel, telles sont les trois composantes du couple idéal. Il est probable que si l’une d’entre elles n’est pas ou plus respectée le couple entre en crise. C’est le cas où l’un des deux trahit le pacte de fidélité, ou bien si il n’y a plus rien à construire en commun ou encore  si le dialogue s‘est asséché.

Être en couple à tout prix !

Comme le dit Pierre Zaoui «  l’homme est cet animal qui vit en couple et ne rêve que d’y échapper ». Les individus ne pensent qu’au couple, c’est une injonction sociale au point qu’être célibataire est souvent perçu comme suspect. On a  cristallisé cette norme sociale, la nécessité de réussir, voire de sauver, son couple. L’amour ne se construit pas en apesanteur sociale, c’est pour cela que la pression de réussir son couple perdure. Les institutions donne des orientations et cela explique l’endurance de ce modèle. Pourtant, vivre ensemble sans discontinuer peut devenir mortifère : l’exclusivité sexuelle est de plus en plus ouvertement remise en cause, l’infidélité peut survenir avec à peu près n’importe qui, à n’importe quel moment. Le mensonge peut s’introduire. La non-transparence dans le couple est ce qu’il y a de plus transgressif. Plus que la transgression du principe de fidélité, il est plus subversif de mentir à son conjoint, de se cacher que de le tromper dans une relation extra conjugale.

Qu’est ce qu’un couple vivant ?

La crise vient toujours de ce que le couple ne sait plus se parler, ni même bavarder. Dans La Prisonnière de Proust, le narrateur ne parvient plus à communiquer avec Albertine qu’en lui glissant des billets sous la porte.  Être capable de parler et de bavarder sans jamais trop craindre les incompréhensions et les malentendus, se confronter aux désaccords, aux impasses, aux frustrations, mais aussi exprimer les joies et les espérances, car il n’est jamais sûr d’avance qu’elles soient aussi claires pour l’un que pour l’autre. Autrement dit, comme le souligne Pierre Zaoui¹, « le vrai ciment du couple n’est ni l’amour, ni le sexe, ni l’intérêt ou l’avantage commun, mais la parole ». Le silence, la mort de la parole, le radotage anéantissent le couple. Un autre aspect tout aussi important est savoir laisser l’autre respirer, le laisser vivre, ne pas fouiller, respecter son jardin secret, sa solitude, « savoir réintroduire du discontinu dans le lien », ce qui suppose ne pas avoir peur de l’éloignement à l’autre.

Le couple ne perdure pas seulement par l’entente des corps mais également par le respect, la reconnaissance entre les esprits et le partage du langage.

Michèle Robach

¹Philosophe, né en 1968, ses recherches portent sur Spinoza, Deleuze

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