Touche moi !  

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Tout est manuel. Du boulanger qui pétrit au coiffeur qui coupe, en passant par l’ébéniste qui rabote ou la secrétaire qui pianote sur son clavier, la main est en activité quel que soit notre travail, notre rapport à l’autre pour le saluer ou pour exprimer nos sentiment par des caresses.

Le toucher a changé de main

Nous sommes dans une société de l’optique, du visuel, de l’écran et « nous abordons le monde par le regard » dit le philosophe Jean-Philippe Pierron, même si pour scroller, nous utilisons notre main pour faire défiler les infos d’Internet. Et on ne peut faire l’impasse entre les métiers manuels et les métiers intellectuels, le manuel serait-il trop basique, trop terre à terre, puisqu’il oblige à regarder vers le bas ? Est-ce aussi parce que le monde a peur ? Partout il est interdit de toucher, dans les musées, les magasins, et un parent ne passe-t-il pas le plus clair de son temps à dire à son enfant « Ne touche pas ! » ? Comme si la peur du danger, qui n’a pas toujours un visage, était passée du cerveau à la main. Le Covid a contribué à cette mise à distance avec l’autre, plus de baisers, de poignées de main, mais en revanche, le confinement a encouragé la fabrication manuelle de pain, pâtisserie et autres gourmandises.

Le toucher est un des 5 sens

La main se serait-elle détachée du corps, les réunions en télétravail obligent à accentuer le regard sur les écrans qui nous isolent. D’où le boom du développement personnel, pas seulement pour se sentir bien mais aussi parce qu’inconsciemment il nous faut nous rattacher à nous-mêmes par le yoga, les massages, la peinture ou la céramique. Il y a ceux qui entourent de leurs bras les troncs des arbres ou ceux qui sont retournés à la terre pour toucher le vivant. Mais le toucher est aussi contesté lorsqu’il manque de respect à l’autre, un regard appuyé peut être ignoré, un geste mal placé ne peut être accepté. L’artisanat semble  retrouver ses lettres de noblesse, la broderie, le travail sur le cuir, les mosaïques ou la poterie font des émules car ces arts s’accompagnent de recherche de l’excellence et suscitent l’admiration d’un public.

Reprendre la main

Que ce soit pour les savoir-faire locaux, les soieries à Lyon ou les flacons de parfum dans l’Eure, l’artisanat adopte volontiers le nom de « métiers de la main » ! « Leur attrait actuel est le reflet d’une forte recherche d’humanité dans un monde qui se déshumanise. Ils permettent une forme de réenchantement à travers l’objet, sa beauté » dit Olivier Fournier, Président de la Fondation d’entreprise d’Hermès. « Quand on touche avec la main, on réduit la distance qui nous sépare du monde et à être à notre tour touché par lui » conclut Jean-Philippe Pierron.

Vicky Sommet

« Éloge de la main – Comment le toucher soigne notre présence au monde, aux autres et à nous-même » de Jean-Philippe Pierron aux éditions Arkhë (octobre 2023).

Vous pouvez visiter Exploradôme, musée des sciences et du numérique, à Vitry-sur-Seine, un lieu où il est interdit de ne pas toucher, réservé à toute la famille du plus grand au plus petit.

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