Deux artistes à fleur de peau

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De Fantin-Latour, complexe et tourmenté, à Bernard Buffet, l’incompris, apprécions ces peintres nés à près d’un siècle d’intervalle. S’ils se rejoignent par le regard qu’ils portent sur l’humain, le premier est indépendant et libre, le second, expressionniste et misérabiliste. Ils ont mis tous deux leur art au centre de leur vie.

« Je veux faire des chefs-d’œuvre, il n’y a rien d’autre ». Fantin-Latour

Si pour Fantin-Latour, « l’art est en dehors de la vie », c’est pourtant la vie qu’il a peinte en étant le témoin privilégié de son époque. Il a tourné le dos au plein air et à l’impressionnisme naissant et s’est attelé à réaliser des portraits de groupe.

Qui autre que lui a pu réunir des êtres aussi exceptionnels que Baudelaire ou Édouard Manet dans Hommage à Delacroix et Auguste Renoir, Émile Zola et Claude Monet dans Un atelier aux Batignolles ? Sans artifices, sans ornements, avec Le coin de table où se côtoient Verlaine et Rimbaud, sa réputation de portraitiste brillant et peu conventionnel est incontestable et incontestée. Ses natures mortes remportent aussi un grand succès en Angleterre mais il préfère le tourbillon parisien avant de revenir à ce champ d’observation extraordinaire que représentent les fleurs, les fruits et la nature. Avec des sujets réalistes ou imaginaires, il s’éloignera du réalisme pour aller vers le dessin, la photographie, la mythologie, la musique et la féérie à la fin de sa vie.

 

« Je ne crois pas à l’inspiration, je ne suis qu’un besogneux ». Bernard Buffet

Bernard Buffet lui aussi ne vivait que pour la peinture. Même si elle est perçue comme austère, en réponse au caractère timide de l’artiste, elle a du mal à toucher les spectateurs qui voient des personnages qui ne les regardent pas, distants, sans pupilles, sans ombres, avec des traits allongés et des perspectives aplaties.

Il aura du mal à se faire connaître et ce n’est pas la France qui lui fera le meilleur accueil au contraire du Japon ou de la Russie. Son inspiration s’exprimera dans la peinture de singes, de voitures, de tableaux religieux, lui qui était familier avec la mort et qui se disait croyant, et ses hommes ou ses femmes souvent nus ne cachent rien de leur corps mais masquent tout de leur âme. Tout en faisant partie de l’art moderne du 20e siècle, il était une figure à part, avec une peinture fermée, ce qui fait de lui un artiste inclassable mais libre à jamais.

Vicky Sommet

 

 

 

DEUX ŒUVRES EN CONFRONTATION

Fantin-Latour : un auto-portrait à l’huile, La tête légèrement baissée traduisant la détermination du peintrequi dit en substance «  Henri Fantin-Latour, qui sait bien maintenant ce qu’il vaut !!! … ».
Bernard Buffet : La tête de clown, en couleurs, qui traduit l’humeur de la société française de l’après-guerre, avec un trait tout en lignes noires, sec et tranchant. Témoignage, après des années de souffrance et de privation, de l’angoisse existentialiste qui habite le peintre jusqu’à son suicide :  il n’aime pas l’Homme qu’il trouve  « nul » et « laid », mais il révèle une humanité maquillée à l’intérieur, sans que le peintre en ait été pleinement conscient.

Fantin-Latour -Musée du Luxembourg- jusqu’au 12 février 2017.
Bernard Buffet – Musée d’Art moderne–  jusqu’au 26 février 2017.

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