L’Égypte ou la naissance d’une passion culinaire

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A défaut de pouvoir nous déplacer, nous avons retrouvé ces derniers mois les joies de la lecture et les plaisirs de la cuisine. C’est l’occasion de (re)lire un joli petit livre qui nous transporte sur les bords du Nil, sur les traces de l’auteure et à l’origine de sa passion pour la cuisine. À la fois livre de mémoires, récit de voyage et livre de recettes, « Mémoires d’une Égypte perdue » par Colette Rossant, est une invitation au voyage et aux plaisirs de la table, qui fait du bien en cette période d’immobilité forcée.

L’Égypte, une parenthèse heureuse

Née à Paris en 1932, de mère française et de père égyptien, tous deux appartenant à des familles fortunées, Colette Rossant aurait pu connaître une enfance heureuse dans la capitale française. Mais la santé précaire de son père les amena à s’installer au Caire, ce qui marqua pour toujours la vie de la petite Colette. Après le décès de son père, elle fut laissée à la garde de ses grands-parents égyptiens. Sa mère, jeune, belle et frivole, préféra repartir seule en Europe. Si elle souffrit longtemps du manque d’amour maternel, Colette eut cependant la chance d’être choyée par sa famille égyptienne. Une grand-mère attentionnée, un grand-père complice, une élégante maison remplie du tourbillon virevoltant des parents, des amis et des domestiques, le jardin odorant planté de jasmins et de manguiers, les réceptions fastueuses, le quartier résidentiel de Garden City au bord du Nil, les étés dorés sur les plages d’Alexandrie… l’Égypte fut bien la parenthèse heureuse dans l’enfance de Colette. Mais celui qui joua alors un rôle déterminant dans sa vie, ce fut Ahmet, le chef cuisinier.

Les prémices d’une longue aventure culinaire

Quand il ne se disputait pas avec la grand-mère sur le choix des menus et les modes de cuisson, Ahmet régnait sur la cuisine et les grands moments de la vie familiale. C’est auprès de lui que Colette avait trouvé refuge dès son arrivée au Caire. Ahmet apporta à l’enfant non seulement réconfort et complicité, mais il lui fit surtout découvrir les bases de la cuisine orientale : les parfums du curcuma, du cumin, du sésame noir et de la poudre de menthe séchée au soleil, les effluves de l’ail pilé conservé dans l’huile d’olive, les pitas grillées tartinées de foul (purée de fèves), les croustillantes sambusaks au fromage, le riz frit, les boulettes de viande sauce abricot, le hoummous (purée de pois chiches) à l’ancienne et les cheveux d’ange aux noisettes. Juchée sur un tabouret, l’enfant apprit les gestes, les tours de main et le bonheur de demeurer dans la cuisine, enveloppée des parfums  les plus alléchants. Et c’est au bazar, en compagnie d’Ahmet et de sa grand-mère, que la fillette apprit à choisir les pigeons bien dodus, les poules bien grasses, le bœuf finement tranché, les abricots séchés, les pistaches fraîches et les graines de tournesol.

Cette éducation buissonnière et sensorielle fut décisive pour Colette Rossant.

Du Caire à Paris puis à New York

Forcée par sa mère de revenir à Paris pour y vivre l’adolescence d’une jeune-fille de bonne famille, Colette, inconsolable, laissa derrière elle l’Égypte, ses grands-parents qu’elle ne revit jamais, le cuisinier Ahmet, son enfance insouciante et orientale. Son adolescence fut cependant illuminée par la présence de Georgette, la cuisinière de ses grands-parents maternels, qui lui inculqua l’art de cuisiner à la française. Colette consacrera d’ailleurs un livre à cette période parisienne, plus terne mais tout aussi gourmande. À 20 ans, Colette épousa un jeune architecte américain. Ils s’installèrent à New York, à Manhattan. Le savoir-faire culinaire de la jeune-femme ne tarda pas à enthousiasmer ses amis américains.Tout en élevant ses quatre enfants, elle se fit connaitre dans le monde de la gastronomie. Elle ouvrit des cours de cuisine, anima des émissions culinaires à la TV, publia des articles dans Elle, le New York Magazine et la revue Food Arts, et elle traduisit les livres de Paul Bocuse.

Aujourd’hui, Colette Rossant s’est retirée dans le Perche. Elle continue à transmettre à ses enfants et petits-enfants son amour pour la cuisine, celle qui a le goût de l’enfance, les parfums de l’Égypte et les saveurs de l’authenticité.

Marie-Claude Messager
Mid&Champagne

À LIRE de Colette Rossant :
– A
ux Éditions des Deux Terres : « Mémoires d’une Égypte perdue » (1999) ou sa traduction en anglais « Apricots on the Nile »« Retour à Paris » (2009) ou sa traduction en anglais « Return to Paris ».
– Aux Éditions Atria : « The world in my kitchen: the adventures of a (mostly) French woman in New York » (2006).
Aux Éditions Bloomsbury : « Madeleines in Manhattan » (2007).

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