L’homme préhistorique est aussi une femme

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Balayer la grotte, faire cuire le sanglier, frotter le silex pour allumer le feu, savoir manier le gourdin ou dessiner sur la pierre et signer d’une petite main, tout est encore à découvrir à propos des femmes de la Préhistoire, en accord avec Freud quand il affirmait que la femme est « autre que l’homme… incompréhensible, pleine de secrets, étrangère et pour cela ennemie ».

Un autre regard

« Toute l’histoire des femmes a été faite par les hommes » écrit Simone de Beauvoir et le regard porté sur les humains préhistoriques est masculin. Après l’homme « chasseur » est venue la femme « cueilleuse », pourvoyeuse de nourriture pour la survie de son clan. Tâches reproductives, nourricières, elle attendait dans la grotte avec ses enfants le retour de l’homme prodigue. En revanche, elle pouvait être une déesse de la fertilité tandis que l’homme est représenté avec une arme à la main et un mammouth tué à ses pieds. Autre détail, elles étaient souvent la cible de rapt, considérées comme des êtres de moindre valeur.

« Sous toutes les latitudes, nous voyons des hommes qui échangent des femmes et non l’inverse … la valence différentielle des sexes existait déjà dès le Paléolithique. » Françoise Héritier

L’archéologie du genre

Elle nait dans les années 70 en Norvège, jusqu’à la découverte de Lucy, la grand-mère de l’humanité d’après Yves Coppens, suivie de l’Ève africaine proposée par des généticiens américains dans les années 80. Elle aurait vécu il y a environ 150 000 ans, aurait eu sept filles dont chaque femme actuelle descendrait. Dans tous les sites gravés, la femme est représentée, rapprochée d’un animal : le bison serait l’homme et le cheval la femme. Sur les statuettes, elle est reconnaissable d’après ses attributs sexuels marqués, seins tombants, fesses rebondies et ventre adipeux. Souvent nues, au contraire des représentations plus tardives où on cache tout, certaines seulement portent un genre d’anorak à capuche et les vulves triangulaires ou ovales permettent leur identification.

Femmes fortes

Elles marchaient, portaient, étaient robustes avec quelques centimètres et kilos de moins que les hommes. Même privées de nourriture carnée, avec grossesses, accouchements, allaitements, c’est l’apparition de la ménopause au cours de l’évolution humaine qui aurait augmenté leur durée de vie et fait baisser la mortalité infantile. Malgré la division sexuée du travail, les femmes, enfants accrochés à elles, se déplaçaient pour la cueillette. Les hommes façonnaient les matières dures, pierre, os, bois, les femmes les matières tendres, terre, cuir, laine. Elles cuisinaient, d’où l’idée de dire qu’elles ont développé le goût et les assaisonnements. Mais elles savaient aussi chasser, soit en rabattant le gros gibier, soit en capturant le petit gibier avec des gourdins ou des massues. Et les deux sexes utilisaient des lances, preuve en est les lésions sur les attaches des tendons observées sur les squelettes.

Archères ou artistes, il reste encore tellement à découvrir sur ces femmes qui nous ont précédées, à nous maintenant de déconstruire ces préjugés de la femme inférieure à l’homme et contredire Platon… « Les femmes sont des hommes manqués dominées par leur utérus. »

Vicky Sommet

©Les origines du Monde - GallimardVOIR « Les origines du monde », expo initialement prévue au Musée d’Orsay du 15 décembre 2020 au 2 mai 2021.
LIRE « Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXe. Abécédaire » catalogue de l’expo au Musée d’Orsay déjà paru chez Gallimard.
« L’homme préhistorique est aussi une femme » de Marylène Patou-Mathis (Allary éditions, 2020).

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