Des salles de petite taille, des murs sombres et des toiles éclairées avec douceur, l’atmosphère du Musée Marmottant-Monet convient parfaitement à des lieux aussi intimes que sont les pièces utilisées pour la propreté. Et pourtant, ce sont des mots banals qui se partagent les cimaises de cette exposition : tub, cuvette, baignoire, douche, bassin, mais quand tout cela est mis en image, alors la toilette prend tout son sens. Et si le décor a changé, de la cuve de zinc installée dans la chambre à la salle de bains fermée et carrelée, en passant par la bassine et le broc en porcelaine posés sur un meuble, ce sont surtout les gestes qui se sont codifiés au fil du temps. Et de constater que de la toilette « sèche » à celle utilisant l’eau et plus tard l’eau courante, rien n’a pu exister sans le nu !
Au Moyen-Âge, on stigmatisait l’usage de l’eau. Plus tard, on a pensé qu’elle pouvait pénétrer dans les corps et apporter toutes sortes d’infections. De la chevelure qu’on peignait aux parfums dévoilant une nuque indiscrète, on est passé de l’eau pour l’hygiène à l’eau qui délasse et permet de rêver, allongée dans un bain. Tout comme l’espace qui s’est transformé d’une pièce où se croisaient servantes et maîtresses à un lieu spécifique pour la toilette, intime, privé, qui permettait de s’isoler.
De timide et prude à la Renaissance avec Gabrielle d’Estrées et la Duchesse de Villars au bain de l’École de Fontainebleau, vêtues de robes transparentes, trempant dans une grande bassine habillée de linges, le geste des femmes devient assuré comme chez Georges de la Tour dans La femme à la puce. Et plus encore, il s’exhibera chez Édouard Manet, Femme nue se coiffant, car les miroirs jouent aussi leur partition dans cet espace dédié à l’intimité. Couvertes ou … dénudées, les femmes pourront enfin se permettre d’être elles-mêmes.
C’est le moment de laisser une petite place à l’érotisme, avec une mention spéciale pour quatre toiles de François Boucher dont L’œil indiscret ou La jupe relevée font sourire tous les visiteurs, avec de jolies femmes habillées mais qui dans le même cadrage du dessin, toiles souvent cachées par leurs propriétaires, peuvent être aussi en tenue plus légère et se consacrer à leurs ablutions intimes.
Un petit mot sérieux pour terminer, ce sont les Anglais qui se sont intéressés à l’hygiène bien avant les Français, mais aujourd’hui, c’est la France qui est championne d’Europe de l’hygiène corporelle ! De là à dire que c’est une exposition essentielle pour notre savoir, il n’y a qu’un pas que je franchis aisément !!!
Vicky Sommet
Musée Marmottan-Monet : La toilette, naissance de l’intime jusqu’au 5 juillet 2015- tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 21h-2 rue Louis Boilly- 75016 -Paris www.marmottan.fr/