Les non-nobélisables    

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Ces femmes savantes ont fait avancer la science à pas de géant, mais leurs noms n’ont pas été retenus par la postérité ou accolés à celui de leur mari, comme Marie et Pierre Curie, et les bienfaits de leurs découvertes ignorés des prix, tout simplement parce qu’elles étaient des femmes.

L’effet Matilda

Dans le cours de l’histoire des sciences, les hommes des siècles passés avaient pour mauvaise habitude de s’approprier le travail intellectuel réalisé par des femmes. Comme si elles ne pouvaient pas inventer, créer, démontrer, analyser ou concevoir la mise en œuvre de nouvelles idées, souvent au nez et à la barbe de ces messieurs. D’où la nécessité de parler de l’effet Matilda, du nom de la militante féministe Matilda Joslyn Gage au début du XXème siècle. Américaine, elle vivait dans une maison qui faisait partie du Chemin de fer clandestin, réseau de routes qu’empruntaient les esclaves noirs fuyant vers les États-Unis et le Canada. Elle sera envoyée en prison pour avoir enfreint le Fugitive Slave Act, loi criminalisant l’assistance apportée aux esclaves, mais défendra la cause des femmes, des Afro-Américains et des Amérindiens.

L’invisibilité des femmes

Cocorico d’abord avec Marie Curie, la chimiste et physicienne naturalisée française, qui, avec son époux Pierre, ont partagé avec Henri Becquerel le prix Nobel de physique de 1903 pour leurs recherches sur les radiations. Mais en 1911, elle obtient enfin le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur le polonium et le radium et sera la première femme à recevoir un prix Nobel et, à ce jour, la seule femme à en avoir reçu deux dans deux domaines scientifiques distincts. Et aussi, la physicienne Lise Meitner ou au XIème siècle, l’Italienne Trotula, médecin réputée, qui a écrit de nombreux ouvrages sur la santé des femmes qui ont fait référence tout au long du Moyen Âge. Mais ses écrits ont faussement été attribués à des hommes, car il était inimaginable qu’une femme ait pu être médecin et enseigner à l’école de médecine de Salerne.

Des exemples frappants

Celui de Mileva Einstein d’abord qui étudia avec Albert Einstein. Les deux étudiants tombent amoureux et travaillent ensemble avant de se marier. Mileva participe aux recherches de son époux, mais lui seul sera le signataire des articles publiés, notamment celui sur l’effet photoélectrique qui lui vaudra, seul encore, le prix Nobel en 1921. Autre exemple, Jocelyn Bell qui découvrit les pulsars pour son mémoire, mais ce sera son directeur de thèse qui sera récompensé du prix Nobel. Ou enfin, Rosalind Franklin qui prendra la photo de la structure en double hélice, un cliché essentiel pour les travaux de ses collègues Watson et Crick qui obtiendront le prix Nobel. Aujourd’hui réhabilitée, le prochain robot européen qui roulera sur la planète Mars en 2022 pour y découvrir des traces de vie passée portera son nom, ce n’est que justice !

Durant la guerre froide, de 1948 à 1962, de nombreuses femmes sont proposées, mais aucune retenue, une conséquence de « l’attitude macho » du jury de l’époque, qui considère comme nécessaire de promouvoir des figures « fortes », en l’occurrence des hommes, dans un contexte guerrier.

Ce prix a été décerné 58 fois à des femmes, plus fréquemment récompensées pour des actions en faveur de la paix et en littérature. La part de femmes distinguées depuis l’origine s’élève à un peu plus de 5%, mais l’inégale répartition des prix par sexe s’explique à 96 % de probabilité par la subsistance d’un biais de genre en défaveur du sexe féminin.

Vicky Sommet

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