Les tribulations d’un apprenti auteur

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Rien ne me prédestinait à devenir écrivain. Emportée par un élan auquel je n’ai pu résister, je me suis lancée dans cette aventure insensée, sans aucune idée des affres qui m’attendaient : les tribulations d’un auteur en devenir, soumis à l’apprentissage capricieux de l’écriture.

Imaginez l’écrivain en herbe confronté à son pire cauchemar : la feuille blanche. Le voilà devant son écran, tout est prêt autour de lui pour lui faciliter la tâche. Le dictionnaire répond présent ; le Bescherelle  ou autre Bled est à disposition pour régler le problème épineux de l’accord du participe passé des verbes pronominaux ; la théière diffuse l’odeur parfumée d’un délicat breuvage ; le dos, pourtant bien calé dans un coussin moelleux, l’auteur souffre… L’inspiration lui manque. Son imagination est en berne. Il bute sur les phrases qu’il efface les unes après les autres de plus en plus nerveusement. Il s’agace. Les heures s’étirent. La colère l’étreint devant son peu de succès. Il essaye alors de se reprendre. En vain !

Brusquement, le plan de son œuvre amoureusement concocté lui apparaît bien creux,  les pages déjà  rédigées bien fades. « Non décidément, ce n’est pas bon », pense-t-il, « j’écris n’importe quoi, je suis nul ». La tristesse l’envahit, il n’y arrivera pas aujourd’hui, c’est certain. De guerre lasse, frustré, le cœur lourd, il abandonne la partie au profit de sa série favorite sur Netflix. Une petite récréation ne peut lui faire de mal. Demain, c’est juré, il s’y remettra et abattra d’une main sûre les 10.000 signes quotidiens qu’il s’impose. Durant la nuit, l’insomnie ne le laisse pas en paix, lui refusant un sommeil salvateur. Au petit matin l’angoisse le reprend, l’empêchant de se libérer de ce trac insidieux qui le prive de toute énergie créatrice. Ainsi les jours passent …Quand soudain, les idées fusent, les mots volent,  les paragraphes s’enchaînent dans un rythme joyeux, l’écrivain se lâche enfin  dans un délire bienheureux. Que lui est-il arrivé ? Une grâce, une illumination ? Non, il a juste rencontré virtuellement son lecteur.

« Le rideau se lève sur un lecteur que je me plais à imaginer : une femme (donc une lectrice), la quarantaine, marrante et curieuse. Je la visualise, douillettement installée, mon bouquin en main. Son bien-être me préoccupe. Tout d’abord lui offrir une écriture dont la forme est souple, raffinée, expurgée de toute vilaine faute de français et de grammaire. Exit aussi, selon les règles de la prose, les répétitions. Au minimum, si l’argument ne lui convient pas, elle n’aura pas l’impression d’avoir perdu son temps. Qu’espérer lui transmettre ? La divertir, la faire rire éventuellement,  même si le propos est sérieux. Ensuite lui faire partager mes convictions, un regard sur ce sujet tabou qu’elle n’a pas envisagé, et la surprendre ! Glisser des idées qu’elle jugera utile pour sa vie. (…) Grâce à elle, mes séances de labeur  quotidiennes devant mon ordinateur se muent en une sorte de dialogue qui me soutient. Je lui parle, quémande son avis, lui raconte mes pensées, lui fait part de mes inquiétudes. Parce que nous sommes désormais trois dans ce projet : l’auteur, que je deviens progressivement ; l’écriture, prolongement de mes élucubrations ; et elle, ma lectrice, but ultime de ce livre. »
Extrait de « Pour qui je me prends ? ou les tribulations d’un apprenti auteur »

Que pense le nouvel auteur, contemplant, un peu ahuri, son œuvre ainsi achevée ? Pour une fois, elle a osé ! Combattant avec une force insoupçonnée cette petite voix suave qui lui susurrait « Pour qui je me prends ? », elle est allée au bout d’un projet pour lequel elle s’est découvert une volonté inébranlable. Elle a ainsi fait sienne cette remarque : « La surprise est l’épreuve du vrai courage !».

Hélène de Montaigu
Auteur, blogueuse
Pour qui je me prends ? ou les tribulations d’un apprenti auteur  (Librinova, juin 2016)

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