Nos livres de l’automne

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Autant de livres que de regards, parfait reflet de l’esprit curieux et éclectique de notre équipe… Quatre suggestions de titres à lire cet l’automne au chaud du… couvre-feu devenu confinement. Bonne lecture !

♦ American Dirt de Jeanine Cummins (Éditions Philippe Rey, août 2020)
par Christine Fleurot

Mettons de côté la polémique autour de ce titre, en plein débat sur l’appropriation culturelle. Ce roman décrit le parcours périlleux de migrants sud-américains qui tentent, coûte que coûte, de rejoindre les États-Unis. Seuls rescapés d’une tuerie, Lydia, libraire à Acapulco et son fils de huit ans, Luca, sont dans l’obligation de se joindre au flot de migrants mexicains et honduriens afin d’échapper à la vengeance sanglante d’un chef de cartel. À travers cette haletante cavale, au rythme fou de la Bestia, train qui file vers la frontière, le couple nouera des amitiés, connaîtra des trahisons. L’écriture est toute en tension, seuls quelques flash-backs permettent de reprendre son souffle. Cette fiction n’est sans doute pas l’exact reflet de la réalité de l’émigration latino, mais elle nous rappelle que derrière les statistiques, il y a des histoires intimes d’êtres qui rêvent simplement d’un monde meilleur.

Fille de Camille Laurens (Gallimard, 2020)
par Michèle Robach

À partir de  1995, date de la mort de son nouveau né, Camille Laurens écrit des livres qu’elle décrit comme une « écriture de soi ». Dans « Fille », elle raconte le destin d’une femme des années 60 à nos jours. C’est l’occasion de faire une radiographie du statut du féminin dans notre société. Il est ainsi question de domination masculine, de transmission féminine et d’évolution portée par #MeToo. Le roman nous guide vers la libération des stéréotypes de genre, qui va permettre à la protagoniste d’éduquer sa propre fille autrement, en préservant sa liberté de choix et en acceptant ses (sa) différence(s). Le livre commence par une phrase qui sonne comme un  désenchantement pour les parents : « c’est une fille »  et qui  se termine par une révélation « c’est merveilleux d’être une fille ». Camille Laurens nous démontre qu’être une fille est comme un amour de soi qui s’apprend. « Fille » est un roman tourné vers les femmes et ce qu’elles subissent qui donne voix à TOUTES les femmes.

©livres d'automne Mid&Plus

Les évasions particulières de Véronique Olmi (Albin Michel, août 2020)
par Marie-Hélène Cossé

Si Bakhita m’a bouleversée, comme beaucoup d’autres en 2017, les trois soeurs Malivieri, nouvelles héroïnes de Véronique Olmi, m’ont émue… Un brin autobiographique, le récit nous emmène d’Aix-en-Provence dans les années 1970 au sein d’une famille modeste et catho, à Neuilly et Paris. Une soeur comédienne, l’autre biologiste, défendeur de la cause animale, la troisième musicienne. Sur fond de non-dits, rencontres sentimentales inachevées, Gisèle Halimi, la loi Veil, Sartre et Simone de Beauvoir, Françoise Dolto, la pilule, tous les bouleversements sociétaux post-68…, toute une époque défile sous nos yeux. Inégal dans sa première partie, le roman prend son envol dans la deuxième pour ne plus nous lâcher. L’épisode de la grossesse tardive malheureuse d’Agnès, la mère, est terriblement questionnant…

« Alors ça n’en finira jamais, pensait Sabine, nous serons toujours soumises aux hommes d’une façon ou d’une autre, nous serons toujours cette marchandise espérant qu’on l’achète, les noces ou la misère, ce troc auquel aujourd’hui encore on se prête, désirant le mariage et le plus tôt possible avant notre date de péremption, et d’ailleurs quelle est-elle ? »

L’autre George de Mona Ozouf (Collection Blanche Gallimard, 2018)
par Anne-Marie Chust

Dans ce livre sensible et élégant à l’écriture raffinée, et qui n’est pas une biographie, Mona Ozouf rend hommage à la grande auteure britannique George Eliot (1819-1880) découverte grâce à sa professeure de 3ème qui lui a appris l’amour des beaux textes. Mary Anne Evans, devenue George Eliot, a dû prendre un nom de plume masculin pour être prise au sérieux et porter ce projet d’écriture réaliste et psychologique nous décrivant la métamorphose et les résistances de cette Angleterre victorienne dans toutes ses composantes. Sarcastique mais non sectaire, courageuse dans son affrontement d’une société conservatrice qui comprend mal sa liberté de mœurs et d’esprit (elle vécut plus de 20 ans avec un homme marié), elle gardera toujours en mémoire et vouera une affection passionnée à une autre George (Sand) qui avait emprunté un chemin parallèle au sien, un peu plus tôt, en fustigeant le mariage et en luttant contre l’étroitesse d’esprit. Parmi les questions que nous (se) pose Mona Ozouf, l’une des plus actuelles :

« Peut-on, quand on est une femme, à la fois revendiquer l’égalité et chérir la dissemblance ? »

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