Passion lecture, passion nature

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Cette année, la littérature rend hommage à l’écrivain Jean Giono et Maurice Genevoix rejoint le Panthéon, deux oeuvres qui sont une ode à la Nature. Parmi les romans dédiés à Dame Nature, voici une sélection de six titres récents que deux bibliothécaires de l’association Culture et Bibliothèque Pour Tous vous invitent à découvrir.

« Vague inquiétude » d’A. Bergamini (Éditions Picquier, janvier 2020, 160 p.)

L’auteur part au Japon, loin de l’agitation du monde, et de souvenirs douloureux, sur les traces d’Akutegawa, écrivain génial et sensible. La beauté de la nature, la cordialité de la population, lui donnent l’impression de se retrouver chez lui. C’est à la manière d une estampe délicate et fantastique que Bergamini nous dépeint son chemin vers un possible apaisement. Aussi, à la manière d’un clair-obscur, la mélancolie n’est jamais loin des éblouissements d’une libération de son être. La vie est ici-même, entre fragilité et splendeur. À la suite de Soseki, Mishima, Inoue, l’auteur nous fait sentir l’âme du Japon. C’est un roman d’une sublime poésie, d’une rare qualité.

« Genevoix, mon ami » de Benoît Fidelin (Ed. Bayard Culture, octobre 2019, 200 p.)

Les plus belles citations de l’œuvre de Genevoix émaillent ce récit de Benoît Fidelin, écrivain-reporter. La complicité qui lie ces deux hommes est un même élan de reconnaissance envers la Nature, en ce qu’elle leur a offert une résilience, après les horreurs de la guerre. Pour Benoit Fidelin, ce furent les atrocités insoutenables des années de guerre au Cambodge qu’il fallut oublier. Tous les deux sont des pêcheurs et des chasseurs. Oui, dans la nature, la mise à mort existe aussi, mais sans la perversion propre aux humains. Le plaisir de l’attente, puis du surgissement de la bête, font vivre à l’homme l’intensité de l’instant. Et le mettent à sa juste place dans la création, le forçant au respect et à la gratitude.

« De pierre et d’os » de Bérengère Cournut (Editions Le Tripode, 2019, 219 p.)

Une jeune femme Inuit, se retrouve seule, après la fracture de la banquise, loin des siens. Dans un dénuement total, et dans un milieu aussi hostile, comment Uqsuralik va-t-elle survivre sans le pouvoir surnaturel qui la guide ? Une rencontre aura lieu avec un chamane qui va l’initier, car il reconnait en elle un être d’exception. Par le chant que les Inuits se rendent les esprits favorables ; chant qui canalise également la violence qui peut s’emparer des tribus. C’est un roman surprenant et original, d’une grande force évocatrice de mondes disparus, ou le sacré est omniprésent.

Béatrice Bothier

 

 

« La nuit atlantique » d’Anne Marie Garat (Éditions Actes Sud (Littérature), février 2020, 320 p.)

Hélène quitte Paris sur un coup de tête. Elle souhaite vendre une maison acquise jadis sur la côte atlantique. Elle pense ainsi se libérer des fantômes qui l’obsèdent. Mais la présence sur place d’un jeune squatter et l’arrivée inopinée de sa filleule, Bambi, les rencontres avec des inconnus du village bouleversent son programme tandis que se déchaînent les éléments soumis aux changements climatiques. Ce roman est une ode à la nature qui séduit par une langue riche et imagée : les pins ténébreux, le charivari de l’océan… Anne-Marie Garat, par des digressions poétiques et une description minutieuse des différentes régions traversées, rend la nature vivante. L’auteure installe une atmosphère sensorielle et nous entraîne dans les ambages mentaux de l’héroïne, contrariés par des réalités extérieures. Un récit autour de l’introspection, les erreurs, les réalités d’une femme actuelle paralysée par ses peurs mais qui va renaître et vivre comme elle l’aspirait.

« Préférer l’hiver » d’Aurélie Jeannin (Harper Collins – Traversée-, janvier 2020, 226 p.)

Une mère et sa fille qui ont chacune perdu leur fils choisissent de s’isoler dans une maison en plein bois et de vivre en autarcie, en union avec l’écosystème. Elles pensent ainsi apaiser le tourbillon intérieur qui les ronge et trouver la force de vivre au cœur d’une Nature à la fois nutritive et âpre et d’un hiver, symbole de lenteur, de froideur, exigeant aussi.  Mais ce lieu est aussi propice aux imprévus. Aurélie Jeannin narre un huit clos sombre et déroutant. Elle décrit la vie au quotidien de ces deux femmes, marqué par des allers et retours sur un passé plus heureux. Rythmé par de courts chapitres, ce récit – marqué par le silence, la beauté de la nature-, à l’écriture charnelle, illuminée par une description poétique de cet écosystème hivernal, explore la douleur. C’est aussi tout une symbolique : l’hiver qui représente la lenteur, demande des gestes mesurés et annonciateur du printemps. Peut-on y voir une renaissance pour ces deux femmes ? Un livre qui donne à réfléchir.

« Après le monde » d’Antoinette Rychner (Buchet-Chastel, janvier 2020, 279 p.)

2022 : un ouragan frappe la côte ouest des États-Unis. Les dégâts sont si importants, les systèmes financiers américains s’effondrent et par effet de domino, l’ensemble des secteurs financiers mondiaux. Rien ne sera plus jamais comme avant. Pour les survivants, il s’agit de survivre, mais à quel prix ? Antoinette Rychner signe un roman d’anticipation décapant. C’est à travers un chant choral à deux voix qui raconte l’avant et l’après, que l’on suit l’évolution de l’humanité de 2020 à 2049. Celle-ci, condamnée à survivre dans un monde hostile, où règne la barbarie, doit tout réinventer. Ce récit  questionne : et si le monde dans lequel nous vivons avec toutes les technologies, s’effondrait ? Comment créer un nouvel ordre économique, politique… à partir de rien ? Comment réagir face aux dérèglements climatiques, au retour des épidémies ? Un livre audacieux.

Florence Desgranges

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