Patronnes au XVIIIe siècle

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Des femmes chefs d’entreprise, voilà une réalité qui n’est pas l’apanage des femmes modernes puisque, déjà à l’époque, mariées, veuves ou célibataires, elles ont investi des capitaux dont elles ne disposent pas librement et fondé ou dirigé des entreprises avec une main de fer dans un gant de velours. XVIIIe

Elles ont bousculé les codes

Passives, soumises, silencieuses ou invisibles, elles ont bravé des interdits pour s’arroger une place de dirigeante dans le commerce, l’industrie ou la mode. Telle Marie-Catherine de Maraise qui commence par aider son époux en gérant les factures, les livres de compte et le remplace quand il part acheter des cotonnades et des indiennes à l’étranger pour la Manufacture de Jouy-en-Josas, « elle qui aurait constitué à elle seule la moitié de la société ». L’Histoire a souvent oublié le nom de ces veuves qui ont repris la direction des affaires. « La femme est en puissance de son mari » stipulaient les textes juridiques. Une fois veuves, elles devenaient « capables » de disposer de leurs biens, de s’opposer aux revendications des héritiers ou de faire face aux créanciers.

Des entrepreneuses et non des moindres

Amélie de Berckheim est à la tête de la maison De Dietrich, une industrie de forges qui a besoin d’être relancée pour éviter la faillite et qui, à la mort de son époux, en assure la direction et crée la raison sociale Veuve De Dietrich. L’autre dame de fer est Marguerite d’Hausen, dite Madame d’Hayange, épouse de Charles de Wendel, qui surveille les hauts-fourneaux et fournira les armées de la République. Et celle qui a donné son nom « La grande dame » à la dernière cuvée de champagne Veuve Clicquot, Nicole Ponsardin, qui, une fois veuve, a repris le flambeau, vécu la guerre du Royaume-Uni avec ses bouteilles qui ornent les tables du Congrès de Vienne et envoyé des caisses en Russie pour séduire un nouveau marché. Une fine stratège comme le seront aussi Louise Pommery ou Camille Olry-Roederer.

Les réseaux ont déjà droit de cité

Souvent malmenées, elles ont affronté des obstacles, la prison, les faussaires, la misogynie ou tout simplement les lois qui n’étaient pas en leur faveur, d’où leur appartenance à des réseaux de négociants comme par exemple Marguerite Blakey et son magasin de quincaillerie qui agrandit son cercle avec des correspondants à l’étranger, envoie des marchandises dans toute la France sous le label Le Magasin Anglais créé après la séparation de biens d’avec son mari. Associations de femmes ou solidarité, quand l’une d’entre elles demande de l’aide, le réseautage a permis à Marine Barbe et Perinne Testu, « Filles majeures », de s’associer dans les années 1685 l’une tailleuse et l’autre lingère, allant même jusqu’à embaucher des apprenties.

Rendons hommage à ces femmes qui ont osé réussir malgré ce qui était écrit en 1774 à leur encontre : « Nos coutumes ont mis la femme dans une telle dépendance de son mari qu’elle ne peut rien faire de valable… si elle n’a pas été habilitée et autorisée à le faire ».

Vicky Sommet

« Patronnes au 18ème siècle » de Camille Dejardin aux éditions Nouveau Monde (février 2023).

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