Sarah Bernhardt, un destin unique et fou

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Alors que le Petit Palais lui présente un hommage jusqu’au 27 août, il est permis de s’interroger sur les raisons qui ont rendu Sarah Bernhardt à ce point légendaire, au point qu’au XXIè siècle, elle continue de susciter la curiosité. C’est peut-être dans sa modernité qu’il faut chercher les réponses.

Jamais trop âgée pour ses rôles

Il est courant de nos jours d’entendre les actrices exprimer leur peur de vieillir en tant que femme, mais Sarah Bernhardt échappe au diktat. Devenue la muse d’Edmond Rostand, elle joue le rôle principal dans sa pièce L’Aiglon et se travestit pour incarner un jeune homme de 20 ans alors qu’elle en a 56 ! Ses cheveux roux sont coupés courts, elle porte un uniforme blanc crée par le grand couturier Paul Poiret. Elle est lumineuse et le public la porte aux nues. Elle pouvait répondre à l’évêque, dans le film sur le procès de Jeanne d Arc lorsqu’il lui demande son âge, dix neuf ans, et susciter l’ovation du public, alors qu’elle en a soixante dix et qu’elle est amputée au-dessus d’un genou. C’est cela le magnétisme de Sarah. On n’entend que sa voix d’or. Comme l’écrit l’autrice Régine Detambel dans son roman, Sarah quand même¹ :

« Le public vient pour la lumière. Pour un choc de lumière animale quand s’ouvre le rideau jaune de son théâtre. Pour se faire taper dessus, se faire foudroyer par Sarah Bernhardt. »

Extravagante et néogothique avant l’heure

La passion de Sarah Bernhardt pour l’étrange s’étend aux animaux effrayants, un guépard Assuérus, un  lion Hernani, un lynx et même un alligator qui s’appelait Ali Gaga qu’elle saoulait au champagne, une singulière ménagerie ! À la fin du XIXe siècle, un engouement pour les ambiances funèbres ou macabres est partagé par de nombreux artistes et esthètes qu’elle fréquentait, notamment Robert de Montesquiou, auteur du recueil Les Chauves-Souris, fervent admirateur de l’actrice. Une photographie la montre couchée dans un cercueil en palissandre capitonné dans lequel elle répétait ses rôles. L’écrivain Pierre Loti raconte avoir vu chez elle « un grand miroir en pied, dans un cadre de velours noir ; perché sur ce cadre, un vampire, un vrai vampire, déployant ses ailes velues ». Elle partage cette passion pour le macabre avec Victor Hugo qui lui offre un crâne humain pour la féliciter de son interprétation triomphale de Doña Sol dans Hernani.

Une indépendance à toute épreuve

Ses engagements sont à contre courant de son époque, ce qui lui vaut critiques, menaces et caricatures violentes. Elle était la cible des antidreyfusards qui interrom­paient ses pièces. Bien sûr, quand on choisit des rôles masculins, qu’on s’habille en homme et qu’en plus on est juive, dreyfusarde et l’amie intime d’homosexuels notoires, comme Oscar Wilde, c’est totalement impardonnable. On lui reproche aussi d’avoir l’appât du gain et de gagner de l’argent en exerçant ses talents en dehors du théâtre. La bourgeoisie ne tolère pas le mélange des genres. Or, Sarah adore sculpter et les collectionneurs s’arrachent ses œuvres. Rodin est fou de jalousie et la traite de minable. C’est Zola qui vient à sa rescousse : « Taisez vous, Monsieur, on n’a pas encore fait de loi condamnant le cumul des talents ! »

Elle fut une actrice de théâtre et de cinéma, une sculptrice, une femme d’affaires, la maitresse d’innombrables amants et… amantes, une patriote, une mère de famille aimante, c’est un destin fou, unique. Comment ne pas l’admirer !

Michèle Robach

¹Chez Actes Sud, 2023.
« Sarah Bernhardt, et la femme créa la star », exposition Petit Palais, jusqu’au 27 août 2023.

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