Scripte, la fée clochette

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Scripte est un mot qui claque comme un clap de tournage de film. À travers une exposition, la  Cinémathèque Française met en lumière cette profession technique et artistique, très féminine, mais méconnue du grand public.

Pour les cinéphiles avertis, lorsque le métier de scripte est évoqué, les images de la Nuit américaine de François Truffaut apparaissent sur leur écran personnel : la gouaille de Dani incarnant une stagiaire-scripte (Liliane) ou le sourire timide de la jeune Nathalie Baye, scripte principale. On pense aussi à Françoise Giroud,première femme française script-girl auprès des réalisateurs Marc Allégret et Jean Renoir. La date de naissance de ce métier est floue : sans doute aux États-Unis en 1918 (?) et en France réellement dans les années 50. L’exposition de la Cinémathèque Française nous éclaire sur les coulisses de ce merveilleux métier du cinéma.

La mémoire du film. Rôle discret, bras droit du réalisateur et du directeur de la photographie, la scripte est la collaboratrice directe technique et artistique du réalisateur ; responsable de la continuité de la réalisation, elle veille à sa bonne mise en œuvre auprès des différents départements pendant la préparation et le tournage du film. Elle suit le minutage et fait le lien avec le montage et la direction de production. elle est en charge de la tenue des documents de suivi. Observatrice, organisatrice, planificatrice, elle est le pivot central entre montage, image, production, « la moucharde« * qui rend compte au quotidien du travail  et de l’avancée du projet. Garante de la cohérence des raccords (décors, accessoires, lumières, regards..), elle est la gardienne de la ligne du scénario original. Selon sa complicité avec le réalisateur elle peut aussi  intervenir sur la direction d’acteur, sur le découpage.

« La scripte est la mémoire du film – la « Fée Clochette » -, elle me reparle du scénario quand je m’en éloigne plus ou moins volontairement. Elle s’assure qu’il s’agit d’un choix et non d’un oubli. Elle assure la continuité du film, non seulement les raccords localement, mais aussi la cohérence globale…»
Bruno Podalydès

Attention, ça tourne ! S’appuyant sur d’abondantes et exceptionnelles archives (photographies, affiches, objets, témoignages, etc.), la Cinémathèque Française rend hommage à ce métier qui, à l’heure du numérique, est en pleine mutation, mais toujours aussi indispensable. Des pionnières à la nouvelle génération, des visages sont mis en lumière tels ceux de Sylvette Baudrot (une des scriptes les plus chevronnées : collaboratrice de Resnais, Malle, Costa-Gavras, Polanski…), Lucie Lichtig (sa carrière commence en 1933 avec Max Ophüls et finit sur Australia en 1988 de Jean-Jacques Andrien), Suzanne Durrenberger (premier film avec Didier Decoin-1950 et dernier film avec Patrice Chéreau- 2009), Suzanne Schiffman, Catherine Prévert, Laurence Couturier, Betty Greffet, Bénédicte Kermadec, Lydie Mahias, Maggie Perlado,  Zoé Zurstrassen…

Du travail « papier » à la tablette, les outils de travail évoluent, mais la scripte reste toujours comme le soulignait Resnais « la colonne vertébrale du film ». Après cette plongée dans son travail, vous ne regarderez plus un film comme avant et lirez les génériques jusqu’au bout.

Christine Fleurot

*Le terme « mouchard » est usuel dans le jargon professionnel : rapport journalier et chronologique du travail accompli.
La Cinémathèque Française jusqu’au 23 juin 2016.

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