Sophie Calle fait de sa vie une œuvre d’art

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Foucault plaide pour une esthétique de l’existence, « l’idée selon laquelle la principale œuvre d’art dont il faut se soucier, la zone majeure où l’on doit appliquer des valeurs esthétiques, c’est soi-même, sa propre vie, son existence ». C’est cette démarche que l’artiste Sophie Calle, plasticienne, photographe, femme de lettres et réalisatrice française a développé au point de faire de sa vie son terreau, la source de ses idées et devenir « l’ouvrier de la beauté de sa propre existence ».

Une artiste reconnue internationalement

Les plus grandes capitales l’accueillent : Le Tate Britain à Londres, Le Centre Pompidou à Paris et le Japon qui reçoit ses œuvres dans trois lieux simultanément : un Musée d’Art Contemporain Hara ainsi que deux galeries : la Galerie Perrotin à Roppongi et la Galerie Koyanagi à Ginza. Le public ne se lasse pas de voir, revoir ou découvrir  les installations de cette artiste cérébrale qui brouille les frontières entre le beau, car ses photos, ses textes ont une valeur esthétique incontestable et le message qu’elle véhicule : parler de la mort, de l’absence, du plaisir…

Pourquoi une telle fascination ?

Ses œuvres n’existent pas seulement pour elles mêmes, closes ou achevées. Elles sont un vecteur de communication avec ses amis, son public. De la mort de son chat appelé Souris, elle a fait un projet, « Souris Calle » (exposé à la Galerie Perrotin) où de nombreux artistes ont été invités à composer et interpréter des chansons que l’on peut écouter sur place et qui illustrent ses photos. C’est une histoire qui résonne dans l’âme de tous ceux qui sont attachés à un animal domestique. D’une rupture amoureuse qui la dévaste, elle invite le public à partager des expériences comparables et expose les textes dans « Exquisite Pain » (actuellement au Hara Museum).

Une mise à distance qui amène au répit, à la guérison. Le secret de Sophie Calle, c’est l’empathie et c’est un don, pas une marque de fabrique.

Au Japon, son public pleure

Situé le long de la « ceinture de feu » du Pacifique, à la rencontre de quatre plaques tectoniques, avec pas moins de 110 volcans actifs et de plus, dans un des cinq bassins cycloniques de la planète, le Japon compte les morts causés par les catastrophes naturelles. Selon le World Risk Report de 2017, l’archipel nippon se situe au 4ème rang des pays les plus  exposés au niveau mondial. Et pourtant, on est frappé de constater la résilience dont font preuve ses habitants. Pleurer les morts, effectuer un travail de mise à distance, vivre avec le souvenir des disparus, avec la peur de la mort, fait partie du quotidien.

Quand Sophie Calle s’interroge sur la souffrance ressentie au décès de son père adoré, dont elle dit que c’est pour le séduire qu’elle est devenue artiste, il semble qu’elle raisonne dans le cœur d’un peuple qui n’en finit pas de redouter le pire et dont la lutte pour survivre fait partie du quotidien

Dans son œuvre, Sophie Calle donne une représentation aux traumatismes et les remanie par des images et des mots. Elle permet de vivre et de renaître après une absence, une déchirure. C’est une bouffée d’oxygène comme de « voir la mer » pour la première fois, le thème de l’une de ses magnifiques expositions.

Michèle Robach
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