Tu ne vas pas sortir dans cette tenue ?

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Phrase si souvent entendue et rabâchée… Difficile d’échapper à la question du code vestimentaire toujours dans l’air du temps malgré Coco Chanel, mai 1968 et la libération des mœurs. L’inattendue et originale exposition proposée au Musée des Arts Décoratifs de Paris¹ revisite l’histoire de la mode du XIVe siècle à nos jours et ses grands scandales. J’y cours !

Règles et conduites. De la Bible et ses premiers interdits (dans la culture judéo-chrétienne, le vêtement est ntimement lié au péché originel, modestie et vertu sont incarnées par les couleurs blanc, noir, gris, brun, bleu… ) jusqu’aux blogs Internet donnant des conseils de tenues, en passant par les ordonnances royales, les traités de savoir-vivre ou encore les séances de relooking, tous illustrent la permanence des règles vestimentaires au fil des siècles. Ces codes de (bonne) conduite sont multiples quand il s’agit de cérémonies ou d’événements (baptême, communion, mariage, deuil, cocktail ou soirée) et pèsent lourdement sur les personnes de pouvoir (de la robe chemise de Marie-Antoinette sur un tableau peint par Élisabeth Vigée Le Brun à plus récemment l’apparition dans l’hémicycle de Jack Lang en veste col mao ou Cécile Duflot dans sa robe à fleurs qui font scandale).

Transfert du masculin vers le féminin. Depuis Jeanne d’Arc jusqu’à l’apparition de la mode unisexe des années 1960, les femmes se sont appropriées des pièces de la garde-robe masculine : chapeau, veste, pantalon. Rappelons-nous les aristocrates anglaises du 17e siècle, les « garçonnes » des années 1920 et 1930 dont Marlène Dietrich, Gabrielle Chanel ou le smoking pour femme créé par Yves Saint Laurent en 1966. Il faut cependant attendre le décret de 2013, abrogeant la loi de 1800, pour que les femmes soient autorisées officiellement à porter le pantalon en toute circonstance (à rappeler aux jeunes générations…). En revanche, la crainte de l’efféminement restreint les exemples de transfert du vestiaire féminin vers le masculin (la jupe n’est toujours pas entrée dans le dressing des hommes malgré Jacques Esterel et Jean-Paul Gaultier).

« Avec les années, j’ai appris que ce qui compte dans une robe c’est la femme qui la porte. » YSL

Excès et provocations. L’expo, qui compte plus de 300 vêtements, accessoires, portraits, caricatures et petits objets, des quizz et un film très amusant, relève les excès multiples et variés à leurs époques respectives par une suite de « trop » :

Trop court (les mini-jupes de Mary Quant, André Courrèges, Pierre Cardin ou Paco Rabanne),
Trop haut (les talons réservés aux hommes jusqu’au XVIe siècle),
Trop large (les baggys des années 1990),
Trop moulant (les chausses du Moyen Age ou la mode du Slim),
Trop plongeant la robe portée Lady Diana en 1981 lors de sa première apparition ou celle de Mireille Darc),
Trop court, déchiré, froissé ou négligé, transparent…

L’exposition s’achève avec ces « défilés chocs » qui ont défrayé la chronique de 1980 à 2015 (l’esthétique japonaise du « non fini » avec les créations de Yohji Yamamoto et Rei Kawakubo, celles du talentueux Alexander McQueen, ou bien encore John Galliano pour Dior).

« Ne soyez pas dans les tendances, ne laissez pas la mode s’emparer de vous, mais décidez de ce que vous êtes, de ce que vous voulez, exprimez parce que vous portez de la façon dont vous vivez. » Gianni Versace

La question du « Comment doit-on s’habiller ? » va donc bien au-delà de la simple apparence et suit l’histoire et les évolutions de l’humanité… Nos choix vestimentaires sont révélateurs des valeurs et des tabous de la société dans laquelle nous vivons, portés par l’impulsion donnée à la mode par les personnalités et les créateurs. « Tenue correcte exigée » est également le titre d’un article paru dans Le Monde du 3 septembre 2016 faisant écho aux polémiques de l’été au sujet du « burkini » sur les plages françaises… No comment.

Marie-Hélène Cossé

 

Tenue correcte exigée ! Quand le vêtement fait scandale, Musée des Arts Décoratifs, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris, jusqu’au 23 avril 2017.
Lire Tenue correcte exigée. Quand le vêtement fait scandale de Denis Burna, Ed. Musée des Arts Décoratifs, 216 pages, €49. 

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