Une marquise toujours à la page

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Sa devise ? « Le froid me chasse ». Son emblème ? L’hirondelle. Qui était donc Marie de Rabutin-Chantal, la belle Marquise de Sévigné, mondaine, mère passionnée, femme de lettres, témoin de son époque et toujours à la mode aujourd’hui ?

Veuve à 25 ans avec deux enfants

Née le 5 février 1626, elle perd ses parents très vite, est élevée par ses grands-parents, reçoit une belle éducation et une excellente instruction, bref une enfance plutôt heureuse et choyée. Elle épouse en 1644, le marquis Henri de Sévigné, un jeune noble d’origine bretonne, fort beau, mais aussi infidèle et belliqueux et qui mourra très vite lors d’un duel pour les beaux yeux d’une maîtresse. Le jeune couple passe pour avoir mené une vie joyeuse, mais elle se retrouve veuve à vingt-cinq-ans avec deux enfants à élever : Françoise-Marguerite et Charles. Profitant de la liberté apportée par son veuvage, elle refuse de se remarier et aura des amitiés amoureuses (grande coquette peut-être ?), elle fréquente à Paris une société choisie, elle sera une grande amie de Madame de Lafayette, qui dit-on l’aurait prise pour modèle pour sa Princesse de Clèves.

Elle se consacre à sa vie mondaine, mais plus encore à l’éducation de ses enfants : les nourrissons étaient quantité négligeable à l’époque au vu de leur espérance de vie, pourtant Madame de Sévigné, s’attachera profondément et passionnément à sa fille et dira plus tard en parlant de son rôle de mère : « les craintes, inquiétudes, prévoyances, qui mettent le cœur en presse et le trouble que cela jette sur toute la vie ».

Relation mère-fille : les psychanalystes apprécieront

Poussée par sa mère, Marguerite-Françoise, aux charmes et aux talents (in)discutables, deviendra une jeune fille adulée dans les ballets, la plus « jolie fille de France » disait Bussy-Rabutin (le cousin, et peut-être amant de notre Marquise). Invitées toutes deux aux fêtes de plusieurs jours organisée par Molière, la marquise peut paraître à la Cour du Roi (Soleil). Mais voici que Marguerite-Françoise se marie, devient Comtesse de Grignan et part en Provence avec son mari. Le départ de Paris de sa fille plonge Madame de Sévigné dans une dépendance affective, physique et sociale et signe le début d’une correspondance qui durera environ 25 ans, dont certaines lettres révèlent une passion (plus ou moins partagée d’ailleurs) qui  nous laissent sidérés et sur laquelle on passait pudiquement à mon époque.

« Mais toujours vous dire que je vous aime, que je ne songe qu’à vous, que je ne suis occupée que de ce qui vous touche, que vous êtes le charme de ma vie, que jamais personne n’a été aimé si chèrement que vous ».

Cette séparation est un arrachement qui laisse la mère blessée à jamais et seule, mais elle sera aussi être le déclencheur d’une force créatrice épistolaire et les débuts d’une incroyable femme de lettres. Notre Marquise meurt à 70 ans à Grignan près de sa fille, qu’elle était encore venue aider. Elle y est enterrée.

Un témoignage savoureux des moeurs de son époque

Madame de Sévigné était belle comme ses lettres, une initiatrice libre et courageuse pour son époque et elle fait partie de mon panthéon personnel. Elle a donné ses lettres de noblesse au genre littéraire qu’est la correspondance. Ses lettres publiées après sa mort¹ doivent beaucoup à l’art de la conversation pratiqué dans les salons et sont une réflexion sur l’hypocrisie et un cours sur l’histoire du Grand Siècle et la cour de Louis XIV. Elle a su alterner les styles selon le thème traité (scènes de la vie intime, relations mère-fille, événements à la cour). Plus de 1 000 lettres écrites à sa fille dont les réponses n’ont pas été conservées, mais je soupçonne qu’elle n’était ni aussi « sympathique » et surtout ni aussi brillante et talentueuse que sa mère. Lettres aussi à Charles, son fils, à son cousin Bussy-Rabutin, à ses amis Madame de Pomponne (dont je trouvais le nom délicieux et qui me faisait pouffer lorsque j’étais en classe de 4ème), au Cardinal de Retz, à Madame de Lafayette, à Madame Scarron (future Madame de Maintenon).

Elle m’a donné le goût de l’histoire et de l’écriture éloquente, merci belle Marquise !

Anne-Marie Chust

¹Correspondance et Lettres : six ouvrages parus dans la collection La Pléiade.

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