Helen et François, une amitié sans frontières

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Helen Scott, l’Américaine, rencontre François Truffaut. Un vrai coup de foudre pour le réalisateur des « Quatre Cents Coups » dont elle assurera la promotion aux États-Unis, le début d’une amitié sans faille qui durera vingt-cinq ans jusqu’au Cimetière Montmartre où ils reposent tous les deux.

« Ma Truffe chéri »

C’est un des nombreux petits noms dont Helen usait pour écrire à Truffaut. « Mon Truffe-Truffe » ou encore « François ma beauté », dans cet échange de correspondances qui ne compte pas moins d’une centaine de lettres de la publiciste (la personne en charge des relations avec la presse) à l’attention de son poulain. Parlant couramment le français, vivant souvent à Paris, elle accueille à New-York le jeune cinéaste de 28 ans venu recevoir le « Best Foreign Language Film » aux côtés d’Elizabeth Taylor et James Stewart. La Nouvelle Vague vient de naître et Helen deviendra le soutien inconditionnel de cette bande de copains du cinéma français.

Journaliste et militante

Décrite par une consœur comme « petite, grosse, pugnace communiste américaine, elle a grandi à Paris, fille d’un Juif russo-américain, journaliste dans le Paris d’avant-guerre ». Elle travailla à Radio-Brazzaville, parrainée par Mendès-France et Soustelle, là où de Gaulle avait installé sa radio de la France libre. Elle assiste au procès de Nuremberg en informant la presse de langue française du déroulement des débats des 21 criminels de guerre nazis. Agent soviétique pour certains, virée des Nations Unies, sorcière pour les Maccarthystes, black-listée parce que communiste, harcelée par le FBI, elle deviendra secrétaire bilingue pour le Bureau du film français.

Tendresse et admiration

« Si je suis susceptible avec vous, c’est que je vous affectionne ». Relation sentimentale ou interlocutrice privilégiée, tout se mélange dans ce rapport qu’Helen voudrait exclusif, elle sera l’alliée de la bande des « Cahiers du Cinéma ». Truffaut, réalisateur, mais aussi critique, faisait la pluie et le beau temps, d’Alain Resnais à Louis Malle, de Godard à Rivette, il aime ou il déteste. De « Tirez sur le pianiste » aux « Parapluies de Cherbourg », guidée par Truffaut, Helen fait connaître ce cinéma hexagonal aux Américains, traduit les sous-titres, triste quand un film déplaisait à la critique, heureuse quand la presse s’en faisait l’écho ! Conscient et engagé, Truffaut signe la déclaration de Sartre sur l’insoumission, craint pour son avenir et avec le sourire écrit à Helen qu’« il forme le vœu que Kennedy l’engage comme ministre du cinoche ».

Truffaut a le projet d’un livre d’entretien avec Hitchcock, en parle à sa « meilleure amie » et la sollicite pour traduire en anglais sa lettre acceptée en ces termes : « Votre lettre m’a fait venir les larmes aux yeux et combien je suis reconnaissant de recevoir un tel tribut de votre part ». Helen continuera jusqu’à la fin à aider François et lui écrira « J’en conclus que l’amour peut prendre des formes très inattendues puisque je me contente depuis plusieurs années de l’affection fraternelle que je vous porte ».

Vicky Sommet

« L’amie américaine » de Serge Toubiana – Éditions Stock – mars 2020-

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