Laura Puente Garcia, femme de pierre

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Nous avons eu le plaisir de rencontrer Laura qui taille la pierre, la sculpte, devenant calligraphe à ses heures, l’occasion de revenir sur un métier peu connu, la sculpture sur pierre, où art et création sont les maîtres-mots.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre amour pour la pierre et ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce métier si particulier ?
Mon grand-père était maçon. J’ai toujours aimé les pierres, leur côté minéral, parfois secret, mais pourtant si attachant. Petite, je voulais être paléontologue et chercher des cailloux cachés. À 17 ans, ce fut la révélation quand j’ai appris que le métier de tailleur de pierre existait. J’ai su immédiatement qu’il était fait pour moi.

Quelles études et formations vous ont mené à la sculpture sur pierre ?
En premier lieu, j’ai passé un CAP taille de pierre et marbrerie, des études qui offraient une option d’un an en gravure sur pierre. Une des formations se déroulait dans les Vosges, l’autre à Uzès, au lycée des métiers d’art. En fin de formation, mon professeur d’arts appliqués nous a fait visiter le Monastère de Solan¹ où ils avaient besoin d’un graveur. La plupart des élèves ne sont pas venus, mais moi j’ai été conquise.

Lors de votre résidence au monastère, quelles ont été vos créations, vos réalisations ? Qu’attendiez-vous de cette mise en retrait du monde ?
Je souhaitais avoir la possibilité de tailler la pierre. Je me suis laissée prendre au jeu et l’ambiance paisible et recueillie de la communauté monacale m’a bien plu. Nous avons réalisé la frise qui se trouve aujourd’hui à l’entrée de l’église. On a sculpté les anges sous les icônes de l’iconostase, les bas-reliefs en face du magasin, j’y ai même dessiné mon premier Archange Michel. La vie au Monastère m’a permis d’avoir un atelier où je pouvais travailler librement. J’ai appris à concevoir des œuvres de style byzantin. C’est d’une certaine façon ma deuxième école de sculpture.

Quelle est votre pierre préférée ?
La pierre volcanique me vient à l’esprit. Je serais ravie de pouvoir travailler cette matière si particulière. Je n’en ai pas encore eu l’occasion malheureusement. Voir comment la pierre réagirait serait très intéressant. Le granit serait par opposition celle que j’aime le moins. J’apprécie les pierres tendres et fines, faciles à travailler. J’ai plus l’habitude des calcaires. La Saint Maximin² serait ma préférée, par habitude. La stéatite est une autre pierre que j’aimerais bien utiliser, si elle ne se fissurait pas si facilement. Cette variété compacte de talc est bien trop tendre et trop fragile pour résister en extérieur. Au final, ma pierre préférée serait la calcaire demi ferme.

Avez-vous un sujet de prédilection en matière de sculpture ?
Tous les sujets m’interpellent, sauf peut-être l’abstrait. Les motifs ornementaux sont un de mes sujets préférés, surtout les thèmes rappelant le végétal, la géométrie. Les personnages également, tout dépendant du contexte. J’affectionne aussi beaucoup l’art byzantin qui unit en quelque sorte les influences grecques et romaines. Mon prochain projet ? Un chemin de croix pour une église catholique, l’église Saint-Pierre à Montreuil. Le style ne pouvant pas y être byzantin, il faudra que je m’adapte. Par contre, comme ils sont ouverts à une approche un peu plus moderne, voire originale, cela me laisse une belle latitude.

Vous adaptez-vous à la demande de vos clients, ou aimez-vous avoir les coudées franches ?
En général les clients n’ont pas d’idée bien définie. Je leur fais des propositions, je les conseille, les guide. C’est un travail à plusieurs mains en fin de compte.

Que vous apporte la sculpture sur pierre ? Quel message souhaitez-vous transmettre ?
J’aime beaucoup ce métier qui me permet d’avoir l’esprit libre. Je peux travailler tout en pensant à d’autres choses. Je n’ai pas d’emploi du temps bien précis. Pour moi, la gravure aide à décompresser, elle fait un bien fou au corps et à l’esprit. Ce qui est important, c’est le moment présent, la réalisation de la gravure. Au travers de chacune de mes sculptures, je transmets mon amour de la pierre et je pense que cela se ressent au travers de l’œuvre finie.

Souhaitez-vous partager une émotion, une anecdote ?
Je suis très fière de la représentation des poils sur la sculpture de Gédéon. Ça rend très bien. De plus, comme j’ai en ce moment quelques difficultés à recréer l’eau sur ma nouvelle gravure, je prends un peu cela comme un challenge. Je m’entraîne à la recréer sur des cailloux avant de me lancer.

Nancy Besse

Son site
¹Monastère de Solan
²La pierre Saint Maximin, originaire de l’Oise, s’appelle aussi la pierre de Saint-Leu.

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