Laurence Reckford, avec les jeunes adultes pas à pas

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Après avoir exercé des responsabilités en entreprise, Laurence, touchée par le trouble psy d’un enfant, laisse tout tomber pour fonder une association de marche en binôme destinée aux jeunes adultes en souffrance psychique auxquels elle propose des solutions concrètes sur le parcours du rétablissement. Beau parcours de vie courageux d’une amoureuse de la nature et de la marche !

Une carrière dans les ressources humaines

Laurence grandit dans de petites villes du Sud de la France, proche de la nature, dans une famille axée sur les terroirs et leurs racines. Elle souhaite devenir assistante sociale puis, influencée par les fonctions de son père, juriste en droit social. Elle suit des études de droit à la fac de Montpellier. Ayant envie d’élargir son horizon, elle tente Sciences Po qu’elle intègre en 1985. Laurence passera plus de trente ans de sa vie professionnelle à travailler dans les ressources humaines au sein d’un grand groupe international. Une constante dans tous les métiers qu’elle occupera ? Partir d’une page blanche, créer, apporter sa pierre, accompagner, développer, coordonner, donner du sens.

« L’apothéose de ma carrière, ce sont sept ans dans la fonction diversité, handicap et inclusion. Je suis passionnée par ce poste qui fait raisonner quelque chose en moi. »

« Je tombe de l’armoire »

Le problème de santé psychique d’un de ses enfants en 2016 la plonge dans la sidération. « J’étais en état de choc. Je ne connaissais pas cet univers. J’ai d’abord fait face avec mon mari, géré la crise. Je ne pouvais pas vraiment en parler au boulot et sinon, autour de moi, à très peu de gens seulement. J’ai tenu, tenu, puis le médecin du travail m’a arrêtée avant le burn out. » Laurence se retrouve en arrêt de travail pendant 6 mois. D’abord en mi-temps thérapeutique, puis à plein temps, elle retourne travailler, mais ne voit plus les choses de la même façon.

« J’assimile ce que j’ai vécu à un trauma. Je pensais que mes enfants avaient reçu amour et éducation et que rien ne pouvait leur arriver. Je n’étais pas prête à imaginer un problème de santé physique ou psychique. »

Se poser, digérer, trouver une autre dimension

Laurence avoue être passée par plusieurs phases. D’abord comprendre : Pourquoi ? Le sens de cette épreuve ? Puis se poser, digérer, trouver une autre dimension. Elle part faire une retraite, puis marcher un mois sur le Chemin de Compostelle. « C’est la première fois de ma vie que je prenais du temps pour moi. Le Chemin m’a aidée, tant par les bienfaits de la marche que la bienveillance des rencontres. » Laurence comprend que pour que son enfant aille mieux, il faut qu’elle aille mieux. Il remonte la pente. « On se rétablit, c’est long, mais on ne guérit pas, on vit avec, ça fait partie de soi, même si on ne revient pas à l’étape d’avant. » Long, parce que c’est un trauma pour les jeunes, notamment de digérer l’hospitalisation lorsqu’il y en a une. Mais aussi parce que, si l’institution vous prend bien en charge au moment de la crise et jusqu’à la stabilisation, il y a peu de choses proposées dans le parcours de rétablissement.

« On fait quoi, notamment pendant les vacances, quand on se retrouve avec un jeune à la maison qui n’étudie plus ou est sans emploi ? »

Marches itinérantes

Laurence a aussi besoin d’échanger avec des gens qui font face aux mêmes problèmes qu’elle. Elle forme un groupe de parents concernés. Ils se réunissent chaque mois, puis elle leur propose de partir marcher avec leur jeune adulte en souffrance. Nous sommes en 2020. Elle accompagne le groupe sur une marche d’une semaine du Puy-en-Velay au Domaine du Sauvage. En 2021, elle réitère en organisant une marche et, en 2022, ce sont trois marches d’une semaine qu’elle organise avant de monter l’association Colina¹ à l’automne.

« Une petite colline te fait gravir une grande. » Proverbe africain

L’objectif est d’accompagner et remettre en mouvement de jeunes adultes (18-35 ans) en rétablissement de trouble psychique au moyen du corps, du lien social et de la nature qui répare et est une autre façon de s’ancrer. En organisant ces marches, Laurence apporte sa contribution dans le panorama de rétablissement. C’est aussi une proposition pour changer d’étiquette et le regard sur ces jeunes adultes : comprendre qu’ils sont multi-histoires et pas seulement réduits au diagnostic posé. En marchant, ils prennent conscience de leurs capacités. « Je pense que tout le monde a des ressources, il faut aller les chercher. Après les marches, je continue le lien en proposant du coaching individuel² ou une marche une fois par mois. » Pour Laurence, le fait de mélanger proches³ et jeunes est essentiel. « On ne voit pas pareil les enfants des autres. »

« Quand un enfant va mal, la mère s’investit beaucoup. Dans les marches, mon plus grand souhait serait d’avoir autant de pères que de mères qui viennent marcher avec leur jeune. »

En 2023, Laurence et son association proposeront cinq marches d’une semaine, une belle occasion pour ces jeunes accompagnés de leur proche de se vider la tête, rebooster confiance et estime de soi, retrouver leur pouvoir d’agir, poursuivant ainsi leur processus de rétablissement dans un objectif d’inclusion.

Marie-Hélène Cossé

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¹Association colina – Santé mentale des jeunes adultes – Accompagnements personnalisés marches itinérantes. Soutenez l’association déclarée d’intérêt général en faisant des versements défiscalisés.
²Coach formée à la démarche appréciative, à la clarification et aux pratiques narratives et bientôt formatrice en secourisme en santé mentale.
³Proche pouvant être les parents, les frères et soeurs, un(e) ami(e).

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