Martine Laroche-Joubert, toujours en première ligne

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Apprivoiser la mort, privilégier la vie, Martine, grand reporter, utilise sa peur pour raconter les conflits du monde. Avec une éthique, donner la parole à tous et partager avec ceux qui la regardent sur le petit écran, ses impressions sur le vif, celles d’une journaliste passionnée par son métier, témoin des bouleversements du monde.

Une envie de l’ailleurs

Premier reportage chez les Pygmées en Centrafrique où elle retrouve le goût de la liberté, éprouvée enfant à Chichaoua. « Envoyée sur un reportage dangereux pour les premières élections libres en Haïti où les Tontons Macoutes découpaient les gens à la machette, malgré l’atmosphère de violence, je n’ai pas été gagnée par la panique et je me suis dit que, même si j’avais peur, j’étais à ma vraie place de journaliste ». Suivent des reportages clandestins, comme aller avec un visa touriste en Afrique du Sud pour l’Apartheid, en déclarant aux autorités un voyage pour soulager une peine de cœur, l’URSS sur les traces des Français disparus, en Pologne pour Lech Walesa, tout le bloc de l’Est sous son nom de jeune fille en évitant la moindre erreur qui peut être fatale aux personnes interrogées.

Grand reporter de guerre

Nier l’évidence devant les autorités, déjouer les filatures, être suivie par les services secrets du KGB, emprisonnée, travailler avec des carnets codés et faire des cauchemars en oubliant les clés du code, c’est ce que Martine appelle l’aventure pure, doublée d’une excitation extraordinaire. « Je voulais absolument interviewer Nelson Mandela à sa sortie de prison mais il fallait payer l’ANC et la régie d’Antenne 2 ne le permettait pas. Je connaissais sa sœur installée à 1 000 km de Soweto, je suis allée la chercher pour voir son frère, cachée avec mon équipe derrière elle, quand il a ouvert la porte à 4h du matin car je savais qu’il se levait tôt. Mon cameraman bousculé, je suis restée seule avec lui, ce fut un coup de foudre immédiat ! »

©Martine Laroche-Joubert

« Un métier nécessaire »

Suivirent l’enterrement de Pinochet, l’élection d’Obama, l’Irak et les Américains, les évènements de Tian’anmen, des documentaires et un livre pour évoquer les femmes au front, sur les terrains de guerre comme en Syrie où, en l’absence d’hôtels, elle dort dans les familles, en sachant que sa présence facilite les contacts. « Pour recueillir des confidences, les femmes me parlent plus volontiers, même chez les Djihadistes où je me tiens à l’arrière pour les aborder librement. En France, après quarante ans, les hommes rentrent dans la hiérarchie et nous ont laissé le terrain libre. C’est une bagarre pour partir et les financiers s’y opposent souvent car les images viennent de partout. L’avenir des reporters sur le terrain est menacé, surtout en ces temps de fake news, mais les gens doivent connaître la réalité des évènements. »

Chaque échange intègre des questions de vie et de mort et les guerres révèlent les personnalités, ordures ou héros courageux, combattants ou civils, médecins qui opèrent dans les caves, clowns qui amusent les enfants blessés dans les hôpitaux, professeurs qui enseignent malgré les bombardements.  « Ou cet asile d’handicapés mentaux à Alep, sur la ligne de front, où des bénévoles viennent chaque jour les laver, leur donner à manger, malgré les snipers, le tout dans l’anonymat le plus complet et ça me touche ! »

Vicky Sommet

EN SAVOIR PLUS « Une femme au front – Mémoires d’une reporter de guerre » de Martine Laroche-Joubert (Éditions Le Cherche-Midi, mai 2019)

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