Rencontres singulières

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Marcher, prendre le TGV, le métro, demander mon chemin dans les rues, sourire aux inconnues ouvre bien des horizons. Tout en éclairant mes voyages et journées de visages, dont j’ignore le nom, que je ne reverrai certainement jamais et dont pourtant longtemps je me souviendrai…

Un bouquet tombé du ciel

C’est à mes 50 ans que je dois la 1ère rencontre, sur la place de la République à Montargis. C’était la fin de matinée, au marché, j’avais rendez-vous avec ma grand-mère dans son Ehpad et j’avais le cœur gros, sachant que personne ne lui avait dit que mon père n’était plus de ce monde. Alors que je flottais entre deux mondes, mes yeux se sont arrêtés sur un bouquet sans façon, avec des fleurs du jardin, assemblées avec fantaisie ; un bouquet qu’aucun fleuriste ne vend, très exactement comme mon père les faisait quand il venait voir sa mère. Celle qui les vendait était assise sur un seau bleu, logoté Voilà. J’ai acheté les fleurs, plongé mes yeux dans son sourire immense et emporté un peu du charme de mon père jusqu’à sa maman.

Le chocolat en offrande

Sur le pont qui traverse la Seine depuis la fontaine Saint-Michel, là où la vue sur Notre-Dame est souveraine, une femme mendiait. Je n’avais pas de monnaie mais une tablette de chocolat à portée de main, dont j’ai partagé quelques carreaux avec elle et su que j’avais vu juste.

Le mois dernier, affamée par un rendez-vous tardif, j’étais dans le métro, déjeunant sur le pouce d’une large tartine de pain de meule et de carrés de chocolat 90%, chacun me rappelant comment mon arrière-grand-mère Marguerite râpait des copeaux de chocolat avec le petit couteau qui va bien sur nos tartines beurrées au goûter. En diagonale, se tenait une jeune femme, des larmes au bord des yeux, dont le compagnon tentait maladroitement, faute de trouver les bons mots, d’apaiser son chagrin, touchant ses genoux du bout des doigts. Ils chuchotaient dans une langue étrangère. J’ai coupé un carreau de chocolat, l’ai tendu sur le papier métallisé et le chocolat noir a dissous momentanément sa tristesse, transformant ses larmes en un vrai sourire.

Sagesse de grand-mère

Dans une rame presque vide, arrive essoufflée une femme d’un certain âge que je félicite pour ses cheveux blancs étincelants, un ravissement, mon rêve depuis longtemps : « Le cadeau du confinement » m’avoue-t-elle, qui lui va à ravir.

À la caisse du supermarché, une grand-mère insiste pour attendre derrière moi le retour de la caissière partie en réserve me chercher un article absent des rayons. À son retour, elle l’apostrophe en souriant : « alors on abandonne son poste de bon dimanche matin ? » La conversation s’engage et cette mamie tonique nous explique sa stratégie du panier vide quand ses 3 enfants et 5 petits-enfants viennent la voir. Après les avoir embrassés, elle passe avec son panier et fait la quête des… portables, histoire de faire de l’espace à la conversation !

Les sourires, échanges dans les transports en commun ou dans la rue sont comme les fleurs sur les talus au printemps, les clochettes des coucous et bientôt du muguet dont la couleur illumine nos journées ! Vive les inconnues et les clins d’œil de la vie !

Anne-Claire Gagnon

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