Sarah Daniel Hamizi : barbière

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Installée à Paris, Sarah consacre sa vie aux poils, moustaches, barbes, cheveux, rouflaquettes, boucs, duvets et tiges pilaires. Malgré ma peur d’être un poil trop sérieuse, elle a su retenir toute mon attention : ni barbante, ni rasante mais pile-poil là à sa place, exerçant son métier de barbière dans un salon pour hommes !

Une vocation précoce. « Depuis toute petite, j’étais fascinée par mon grand-père qui se rasait et j’avais dit à ma mère, plus tard, je serai barbier ». Et la maman de Sarah répondait invariablement que ce n’était pas un métier féminin. Elle attend d’avoir 18 ans pour réaliser son rêve en passant d’abord les diplômes nécessaires pour devenir coiffeur pour hommes, le CAP, le BP et se spécialiser pour acquérir les techniques de coupe, de fondu, de dégradé et les transposer sur la barbe. Qu’est-ce qui différencie le cheveu du poil ? « Le poil est plus dru, le cheveu plus fin et la barbe peut-être frisée même si le cheveu est raide, voire crépu. L’homme ayant plus de poils de barbe que de cheveux, il faut toujours qu’elle soit propre, ait un aspect soyeux et les barbus consacrent au moins 30 minutes chaque matin devant leur miroir à la brusher, la maquiller ou lui appliquer un soin pour lui donner éclat et brillance ».

La barbe a une histoire. Des Pharaons d’Égypte aux Rois de Mésopotamie, de la barbe courte de Charlemagne à Louis XIII qui portait « La Royale » (barbichette et moustaches) ou de Napoléon III avec son «  Impériale » aux Poilus de la Première Guerre mondiale, la barbe a subi les soubresauts de l’Histoire en s’imposant ou disparaissant selon les époques. Bénéficiant d’une existence légale avec la création de la Corporation des Barbiers sous Saint-Louis, les barbiers devinrent barbiers-perruquiers, barbiers-chirurgiens avant de redevenir simples barbiers et, aujourd’hui, avec Sarah, le métier s’est même féminisé. « Les techniques qui allient l’esthétique à la coiffure sont connues des femmes comme l’épilation, le maquillage ou le brushing. Moi, je regarde l’homme avec mon regard féminin et je me dis comment pourrait-il me séduire et me plaire. Car pour être un bon barbier, il faut aussi être visagiste ».

Que diable allait-elle faire dans cette galère ! « Pour mes premiers pas dans le métier, je n’ai récolté que regards interrogateurs, inquisiteurs ou étonnés. Tu es une femme, n’a-ton-cessé de me dire, et tu ne sais pas ce qu’est une barbe ! Je me suis donc donné les moyens de mieux connaitre le poil en m’entrainant sur mes jambes. Dans une baignoire, armée d’un blaireau, j’allais chercher la mousse avec un coupe-chou entre mes doigts de pied pour comprendre le ressenti d’un futur client ! ». Sa première barbe, c’est un souvenir encore vivace pour Sarah : « C’était celle d’un Académicien venu la faire tailler dans un salon du 12e avec un poil assez dru et le visage très ridé. Je devais donc le raser très doucement à cause des creux et je tremblais car mon patron n’arrêtait pas de me dire : Sarah, attention à ce que tu fais ! ».

Une barber-shop à la française. Aujourd’hui avec ses salons à Paris, bientôt à New-York, Sarah Daniel Hamizi transmet ses savoirs en formant ses employés, car elle souhaite les voir adopter les techniques qu’elle a testées et mises au point. Elle intègre des jurys dans les écoles de coiffure, elle a initié un centre de formation où elle reçoit des patrons qui souhaitent apporter ce service de rasage à leur clientèle. Si trois mois d’école sont nécessaires pour devenir un coiffeur pour hommes qui connaît déjà les bases du visage masculin, il faudra une année pour un coiffeur mixte qui veut devenir barbier. « Et j’ai toujours regretté que la formation ne comprenne par un volet enseignement de la psychologie. Aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, ce sont des coiffeurs qui rasent et c’est tout ! Ils ne font aucune étude de morphologie et ne personnalisent pas leur travail. Aujourd’hui pourtant, on peut aller jusqu’à faire des implants de poils de barbe, les teindre ou installer des rajouts juste pour une soirée ».

Phénomène de mode ? « La mode, oui, mais pas un phénomène » me répond Sarah. « Les hommes ont compris qu’à travers leurs poils, ils pouvaient montrer une certaine prestance et une virilité plus marquée. La barbe vieillit ou rend plus mature un homme jeune qui veut en imposer alors qu’un homme de 60 ans, pour obtenir l’effet inverse, devra porter une barbe plus courte. Si un chef d’entreprise ose porter une barbe, toutes ses équipes masculines suivront son exemple. Et si un jour, les Présidents François Hollande ou Barack Obama portent la barbe, je suis certaine que tous les hommes politiques de leurs partis la porteront aussi ! ».

Vicky Sommet

La Barbière de Paris
7, rue Bertin Poirée 75001 Paris – du lundi au vendredi de 9h00 à 20h30 et le samedi de 9h00 à 18h00
14, rue Condorcet 75009 Paris – du lundi au vendredi de 9h00 à 20h30 et le samedi de 9h00 à 18h00

À faire lire à ces messieurs barbus ou en passe de le devenir :
Barbes et moustaches avec les conseils de Sarah Daniel Hamizi, aux Éditions Larousse.
Barbes et moustaches  par Jean Feixas et Emmanuel Pierrat aux Éditions Hoëbeke.
HIpster than ever, une BD de James aux Éditions Jungle
Car le hipster porte toujours la barbe !

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