Agnès, Sofia, Damien : un cinéma créatif et indépendant

0

Les convictions des cinéastes indépendants, aussi bien politiques que professionnelles, méritent une attention particulière. Le cinéma d’auteur d’Agnès Varda, les scénarios teintés de féminisme de Sofia Coppola et les hommages rendus par Damien Chazelle aux comédies musicales sont des convictions qui montrent qu’on peut faire du cinéma et défendre une cause.

Agnès Varda, le Paris des années 1950

Certains cinéastes considèrent qu’Agnès Varda a inauguré la Nouvelle Vague* avec son premier film La pointe courte en 1954, tout comme ses mises en abyme dans Cléo de 5 à 7 qui contribuent à une mise en scène originale. Les héros de ses films, notamment Cléo, représentent la jeunesse et l’esprit de liberté de l’époque, lié au contexte de l’après-guerre. Ses films sont salués par la profession, Agnès Varda a remporté notamment un César d’honneur en 2001 qui salue l’ensemble de son oeuvre cinématographique et une Palme d’honneur au Festival de Cannes. Son style documentaire -sans doute lié à sa formation antérieure de photographe- attire particulièrement l’attention. Elle filme en effet, telle une reporter, Paris, ses rues, ses cafés, ses parcs et ses passants. Elle traite de sujets ordinaires et en fait des thèmes de cinéma traités de façon originale. Sa capacité d’observation, relevée par la musique et son goût pour l’anticonformisme donnent de ses films une connaissance du Paris des années 1950 dans un décor vivant. De plus, ses convictions féministes font d’elle une femme d’actualité. Elle signe le manifeste des 343 pour défendre l’avortement en 1971, ce qui l’expose à des poursuites pénales et prouve son courage ainsi que son déterminisme, ou fait partie des 82 femmes qui ont monté les marches de Cannes après l’affaire Weinstein afin de revendiquer plus d’équité dans leur milieu professionnel.
*Mouvement qui a pour ambition d’esthétiser le cinéma et d’en faire un cinéma d’auteur, où la place du réalisateur est enfin plus importante.

Sofia Coppola, un cinéma fémininiste et indépendant

Issue d’une famille de réalisateurs américains célèbres et reconnus*, Sofia Coppola se révèle en tant que réalisatrice dans les années 2000 avec son court métrage Lick the Star et s’affirme avec ses deux longs métrages Virgin Suicides et Lost in Translation. Elle traite de thématiques significatives pour les femmes. Sofia Coppola aborde ces sujets sérieux de façon subtile. La mise en scène de Marie-Antoinette qui peut paraître frivole se veut en réalité être le portrait d’une jeune femme de notre temps, anticonformiste et charismatique. Ses projets sont soutenus par une société indépendante, American Zoetrope, créée par Francis Ford Coppola. Son goût se reflète aussi dans les musiques choisies pour accompagner ses films. En atteste son choix pour la New wave, un genre de musique pop/rock des années 70 se revendiquant underground par leurs labels indépendants. Cette ambition traduit une certaine volonté de s’émanciper des Majors et démontre un esprit féminin audacieux. La prochaine production de Sofia Coppola est encore porteuse de sens pour les femmes puisqu’elle évoquera Priscilla Presley, l’épouse d’Elvis, le nouveau biopic d’une femme qui a longtemps vécu dans l’ombre du King et qui s’est affirmée après sa disparition.
*Son père Francis Ford Coppola réalise Apocalypse Now et la trilogie Le Parrain, tandis que sa mère, Eleanor Coppola, est connue pour ses documentaires retraçant le tournage des films de son mari et de ses enfants.

Damien Chazelle, jazz et excentricité

Cinéphile depuis son plus jeune âge, Damien Chazelle fait des études de cinéma à Harvard où il rencontre Justin Hurwitz, musicien de jazz et compère dans tous ses films. L’engouement du réalisateur franco-américain pour la musique (il est joueur de batterie et passionné de comédies musicales) le pousse à réaliser des films musicaux comme Guy and Madeline on a Park Bench en 2009 (il n’a que 24 ans !), La La Land en 2016 ou dans la même veine Whiplash en 2014. Le succès qu’il rencontre avec Park Bench se poursuit avec Whiplash, cinq ans plus tard, mais c’est surtout la consécration de La La Land qui fait de Damien Chazelle le plus jeune réalisateur oscarisé pour la meilleure réalisation à 31 ans. Il apprécie de retrouver les mêmes acteurs lors de ses réalisations, notamment Ryan Gosling. On reconnaît certes une authenticité dans ses oeuvres, notamment parce qu’il aborde des thématiques qui lui tiennent à coeur, mais surtout un talent. Sa mise en scène de La La Land lui vaut d’être acclamé par la critique, de remporter six récompenses et d’apporter sa touche au nouvel âge d’or des comédies musicales. Une certaine excentricité lui est aussi attribuée pour ses mises en scène. Citons Babylon (2022) qui se présente comme « le récit des excès les plus fous lors de la création d’Hollywood ». L’énergie débordante déployée par les acteurs au cours des trois heures impressionne, déboussole et revigore, avec à l’appui Justin Hurwitz et sa musique entraînante. Le jeune âge de Damien Chazelle, 38 ans, promet de nombreux autres films talentueux !

Ces réalisateurs sont tous mûs par l’intention de se démarquer par des films indépendants et créatifs, d’un point de vue autant artistique que scénaristique, et se montrer engagés. Ils conjuguent leurs engagements personnels avec leur profession et montrent à eux trois que le cinéma est un champ artistique inventif et engagé et le légitiment comme un septième art.

Lucie Colnacap
Étudiante en Licence III d’Histoire à la Faculté des lettres de Sorbonne Université
Article écrit dans le cadre de son projet de mémoire en collaboration avec Mid&Plus*

*Mid&Plus a, au printemps 2023, à la demande de la Sorbonne, piloté quatre étudiants effectuant leur stage de fin de licence au sein de notre rédaction, afin de les sensibiliser et commencer à les former au métier de journaliste. Ils ont choisi de traiter du thème de l’engagement, qu’il soit littéraire, artistique, sportif ou politique, appliqué à deux femmes et un homme d’hier, aujourd’hui et demain, choisis selon leur domaine d’intérêt.
Marie-Hélène Cossé et Vicky Sommet

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.