Alors le Brexit ? « Quels changements ? », ne cesse-t-on de me demander. Eh bien, une chose mais pas des moindres : dans mon premier cercle de connaissances comme dans mon deuxième, de plus en plus de personnes ont droit à des réflexions désobligeantes quand elles parlent français ou allemand ou espagnol… dans la rue, les transports en commun ou le taxi. Ce n’est pas une expérience isolée car la presse et les représentants des Français de l’étranger la relatent aussi.
Du danger de parler sa langue maternelle dans les rues de Londres. C’est normal, me dit une française de Paris, les gens qui veulent s’intégrer doivent parler la langue du pays, je comprends l’énervement des anglais. ». Pourtant parler au téléphone ou à un ami dans sa langue mternelle ne présume pas de la capacité de quelqu’un à s’intégrer. Il y a donc quelque chose de plus en jeu. En Grande-Bretagne, l’immigration européenne a été, avec la contribution budgétaire, LE sujet de la campagne du référendum. Hommes politiques et tabloïds se sont déchainés : les 3 millions de résidents européens en Grande-Bretagne étaient présentés comme des envahisseurs dont on ne peut contrôler la venue puisque la liberté de circulation est l’un des principes fondamentaux de l’Union¹. Le Brexit a donc été immédiatement compris comme un vote anti-immigrés européens. Du coup, les xénophobes n’ont plus peur d’afficher leurs convictions.
Les chiffres. Dans la semaine qui a suivi le vote, hausse de 46 % des incidents à caractère raciste et xénophobe par rapport à la même période de l’année 2015². « C’est temporaire, cela va se calmer » ont dit certains commentateurs. Pas sûr. Les derniers chiffres montrent une augmentation nette des incidents par rapport à l’année dernière (1853, soit + 49% pour la dernière semaine de juillet par exemple) même si la valeur du pourcentage de hausse a tendance à baisser. Une bonne partie d’entre eux est recensée sur : #PostRefRacism ou la page Facebook Worrying signs. Également inquiétant : la police estime que 50% des victimes ne portent pas plainte.
Qui est touché ?
- En premier lieu les Européens de l’Est particulièrement les Polonais (avec 800.000 personnes, ils représentent la deuxième population immigrée après les Pakistanais). Le nombre d’incidents se chiffre par centaines. On retrouve à ce sujet la question du langage : fin août, un homme a été assassiné parce qu’il avait eu le malheur de parler polonais dans la rue au téléphone. Le 16 septembre, pour la même raison, un autre a reçu un coup de couteau dans le cou.
- Ensuite les personnes de confession musulmane : dernier événement en date, le 13 septembre une femme enceinte a reçu tellement de coups de pieds qu’elle a perdu son bébé.
- Enfin, les Européens de l‘Ouest. Le registre des attaques, déjà évoqué, est moins grave. Cela dit, quelqu’un a déposé des crottes de chien à la porte d’une femme allemande, veuve d’un généraliste anglais et vivant en Grande-Bretagne depuis plus de 40 ans en lui disant de rentrer dans son pays…
Beaucoup d’Européens ne se sentent plus bienvenus. « Cela fait 25 ans que je vis ici, me dit cet Espagnol, c’est un vrai choc, je me sens rejeté, la société britannique n’est pas aussi ouverte et tolérante que je ne le pensais. » Certains envisagent de repartir. Tous attendent de savoir s’ils pourront rester car Theresa May, la nouvelle premier ministre, a clairement dit que le statut des Européens n’était pas garanti et ferait partie des négociations du Brexit. Cette attitude ne va pas décourager les xénophobes.
Isabelle Haynes
Mid&Londres
¹Rappelons que le Royaume-Uni ne fait pas partie de l’espace Schengen.
²Source : Conseil National des Chefs de la Police.