Vierge ou épouse

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Après les révolutions arabes, on a beaucoup parlé de la place des femmes dans la société et « de défendre son droit au bonheur, à la liberté, à la jouissance ». Leïla Slimani renoue avec son métier de journaliste et mène l’enquête sur la sexualité des jeunes au Maroc dans un livre où les femmes témoignent de leur combat.

Une problématique importante

Premier constat, la jeunesse marocaine est bâillonnée dans un monde arabe où le sexe se consomme comme une marchandise. Cette constatation est issue de rencontres du Prix Goncourt 2016, Leïla Slimani, avec des femmes marocaines qui ont souhaité témoigner de la difficulté qu’elles ont de trouver leur place dans un combat très dur entre transgresser les « frontières sacrées » et leur volonté de se libérer de la tyrannie de la tradition. Dans ce pays où, si on respectait les lois, tous les célibataires seraient vierges, les jeunes sans relations sexuelles et les concubins, les homosexuels et les prostitué(e)s n’existeraient pas, cette réalité est vécue de manière douloureuse. « Cessons d’opposer islam et égalité des sexes, islam et plaisir charnel ».

En dehors du mariage, point de salut

Pour les femmes marocaines, tout est interdit sauf la conjugalité. Un nouveau Code de la famille en 2004, des lois répressives et appliquées par la police, c’est comme si la société avait un droit sur le sexe de chaque femme. Certificat de célibat pour elles et rien pour lui. Parcours fait d’humiliation et d’injustice, le romancier turc Livaneli écrit : « Dans toute la Méditerranée, la notion d’honneur se situe entre les jambes des femmes ». La faute en incombe aussi aux mères qui élèvent leurs filles dans cette image de vierge à tout prix et leurs garçons sans leur expliquer que la femme est autre chose qu’un corps.

Hypocrisie et modernité ne font pas bon ménage

Des scandales relayés par la presse, des manifestations contre les abus de la loi, une opinion publique partagée, des militants qui se mobilisent pour défendre la liberté sexuelle, cela ne suffit pas à faire évoluer les mœurs très influencées par la religion. Témoignage de l’avocat Chehbi : « Nous vivons dans un système où nous sommes tous des hors-la-loi et, de ce fait, nous avons peur et nous n’agissons pas …. Or le seul moyen de lutter contre cet ancrage archaïque, c’est de former la jeunesse et, surtout, de regarder en face nos contradictions ».

Sexualité identitaire, religieuse, nationale, l’amour et la liberté, c’est pourtant ce à quoi aspirent les jeunes Marocains, hommes et femmes, mais le chemin est encore semé d’embûches, à commencer par « le droit de penser par soi-même, le tabou le plus massif de tous » comme l’écrit Malek Chebel.

Vicky Sommet

« Sexe et mensonges. La vie sexuelle au Maroc » de Leïla Slimani (Prix Goncourt 2016 « Chanson douce ») et « Paroles d’honneur » BD de Leïla Slimani et Laetitia Coryn aux Éditions Les Arènes (septembre 2017).

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