Plus on en parle, moins on y pense

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Depuis 1994, l’Association Suicide Écoute (SE) vient en aide vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept aux personnes ayant des idées suicidaires. Rencontre avec une association de bénévoles qui effectue un travail hors normes.

Un acte redouté

Le mot suicide a été choisi volontairement pour déterminer l’Association. Un mot et un geste qui ne sont plus punissables en France depuis le code Napoléon de 1810. Le droit au suicide est-il pour autant admis ? 800 000 personnes mettent fin à leurs jours dans le monde chaque année¹ dont près de 10 000 en France². 75% des suicides sont masculins. C’est un acte violent, irréparable, appréhendé par les proches, qui pèse ensuite psychologiquement sur tous. Fréquemment les personnes qui désirent se suicider ont connu ce même geste parmi les leurs. Et l’on compte près de 200 000 tentatives de suicide (TS) ayant donné lieu à l’hospitalisation en France, dont 65% sont féminines³.

Une grande famille anonyme

À SE tout le monde est bénévole et anonyme. Les écoutants sont au nombre de cinquante. L’anonymat assure la confiance et libère la parole. Les appelants évoquent ainsi des secrets qu’ils n’avouent à personne, ni même à leur psychiatre. On comptait 17 505 appels en 2018, dont 57% de femmes. L’âge moyen tout sexe confondu étant de 55 à 64 ans. Huit appels sur dix proviennent de personnes ayant un suivi psychologique. De leur côté, les écoutants sont issus de tous les domaines professionnels, actifs ou retraités. Ils doivent notamment être calmes, à l’aise avec les silences, savoir faire face à des frustrations telles que l’ignorance de ce qu’il advient de la personne une fois qu’elle a raccroché. Savoir bien écouter demande de se serrer les coudes et de partager que ce soit avec les écoutants ou avec la souffrance des appelants, comme dans une vraie famille.

Mettre des mots sur une souffrance

L’éthique est basée sur l’anonymat, le non-jugement et le non-conseil. Les interlocuteurs sont souvent des personnes atteintes par une dépression profonde ou autre maladie, le viol, de l’alcoolisme, de la drogue, une désintégration sociale, la pauvreté, une enfance difficile… Dans tous les cas, les minutes d’écoute passées au téléphone, qui vont de 15 à 30 minutes ou plus, sont plutôt positives. Certains appelants, quand ils ne sont pas révoltés, le disent. Ils sont tous dignes d’intérêt, touchants, émouvants et le plus souvent malades.

Devenir bénévole

L’association a toujours besoin d’écoutants. Pour le devenir il faut avoir au moins 26 ans, une grande solidité psychique, habiter en Ile de France, pouvoir y consacrer au moins 4 heures par semaine et suivre une formation d’environ six mois. Il y a un tout petit peu plus d’écoutants féminins que de masculins à SE. Si les femmes disposent d’une dose d’empathie importante, cette tâche n’en est pas moins difficile pour elles. Ne pas donner de conseils aux appelant, ne pas poser de questions de simple curiosité, ne pas formuler de jugement. Juste inciter à mettre des mots sur une peine.

Enfin quand appeler SE a permis de mettre des mots sur une souffrance, de l’exprimer et peut-être de l’apaiser, l’écoutant peut ressentir un bonheur hors normes.

Une écoutante

Secrétariat : 01 45 39 93 74 – Courriel : contact@ suicide-ecoute.fr
¹Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
²Selon Suicide Écoute.

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