Le Musée d’Orsay rend actuellement un juste hommage à Berthe Morisot en lui consacrant une exposition monographique. Enfin ! La dernière, dans un musée national, remontait à 1941 au Musée de l’Orangerie. La première des femmes impressionnistes, figure centrale du mouvement, le mérite tellement.
Mais qui est Berthe Morisot ?
Arrière petite fille de Fragonard, née d’une famille « austèrement bourgeoise », Renoir dixit, mais ouverte aux arts, elle apprend la peinture avec sa sœur Edma, auprès de Joseph Guichard, élève d’Ingres, puis rejoint l’atelier de Camille Corot. Impossible pour elle d’intégrer l’École des beaux-arts, elle sera interdite aux femmes jusqu’en 1897 ! Sa formation académique est classique, solide et exhaustive : copiste au Louvre, peintre sur motif, pratique intensive du dessin avec toute sorte de médium : pastel, fusain, aquarelle…
Elle commence par « poser pour s’imposer » et devient le modèle d’Edouard Manet dès 1867. Il dira d’elle « qu’elle a la beauté du diable », il lui rappelle ses modèles espagnols, il fera d’elle dix portraits, dont les plus célèbres, Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872), Le Balcon (1868). Elle épousera son frère, Eugène, en 1874, mari choisi et non imposé, qui lui assurera une aisance financière et lui permettra de vivre sa passion.
Sa famille : ses modèles féminins et ses hommes de cœur
L’exposition se concentre sur les tableaux de figures et les portraits qui nous donnent à retrouver les modèles favoris de Berthe : Edma, sa sœur, avec laquelle elle commença la peinture avant que cette dernière ne devienne Madame Pontillon et n’abandonne la pratique, puis sa fille Julie. Elle leur consacrera certains de ses plus beaux tableaux : Le Berceau (1872), Julie rêveuse (1894).
Berthe, au départ seule femme dans le groupe d’hommes des impressionnistes, y comptera ses amis fidèles, ses « hommes de cœur ». C’est à l’invitation d’Edgar Degas qu’elle présentera ses œuvres à la première exposition impressionniste de 1874 aux côtés des autres refusés, c’est lui, l’ami indéfectible qui, organisera avec Julie, une rétrospective post mortem de ses œuvres ; Claude Monet que Julie appelait « son oncle » ; Auguste Renoir, qui partage avec elle la même inspiration ; sans oublier Stéphane Mallarmé qui sera nommé tuteur de Julie au décès de Berthe.
Peindre le monde tel qu’il est
L’impressionniste peint la vie moderne et Berthe Morisot ne fait pas exception à la règle. Le monde féminin au 19ème siècle se dévoile sous nos yeux. Scènes d’intérieur aux décors raffinés, tenues à la mode, loisirs en famille, promenades en plein air… Ses couleurs sont fraiches et lumineuses.
« Madame Berthe Morisot broie sur la palette des pétales de fleurs pour les étaler ensuite sur la toile en touches spirituelles, soufflées, jetées un peu au hasard, qui s’accordent, se combinent et finissent par produire quelque chose de fin, de vif et de charmant » Charles Ephrussi
Mais sa facture est originale, moderne presque abstraite parfois. La question du fini et de l’inachevé traverse toute la production de Berthe qui n’hésite pas à laisser des parties de ses toiles à nu. Sa touche libre, son cadrage inattendu, ses personnages souvent empreints de mélancolie donnent un puissant sentiment d’instantanéité, de fugacité… Sa façon de traduire son insatisfaction perpétuelle ?
Berthe s’éteindra en 1895 laissant derrière elle quelques 400 toiles. Près de la moitié des tableaux exposés à Orsay sont issus de collections particulières et n’ont pas été vus en France depuis des décennies. Alors courez-y !
Agnès Brunel-Averseng
Exposition Berthe Morisot jusqu’au 22 septembre, Musée d’Orsay 1 rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris