L’impressionnisme, art féminin ?

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Berthe Morisot, Mary Cassatt, Eva Gonzalès et Marie Bracquemond, même si les deux premières sont bien plus connues que les autres, ont toutes fait partie du mouvement impressionniste et contribué à son essor. Pourrait-il s’agir d’une affaire de femmes ? Le choix des sujets : scènes quotidiennes, portraits de femmes et d’enfants, intérieurs, jardins, effets de lumière, blanc et surtout la liberté du coup de pinceau…

Le milieu est un décor

Elles étaient toutes issues de milieux aisés, et malgré tout compréhensifs si elles étaient prêtes à s’insérer dans le « décor ». Elles fréquentaient ces cercles où on se marie entre soi, où l’on se reçoit et où on apprend la peinture comme le piano : une activité de salon. Elles ont toutes eu de grands maîtres en peinture et ont su par leur force de conviction et leur esprit de liberté, et même de rébellion, s’imposer dans leur art et dans la peinture moderne dans cette société rigide du XIXème siècle. Et puis il y eut aussi Edouard Manet, avant-gardiste et scandaleux, qui ne voulait faire partie d’aucun mouvement, et qu’elles ont toutes fréquenté. Trois d’entre elles furent ses modèles : Berthe, Mary et Eva, inspirées par lui comme il a été inspiré par elles.

Impressionnisme art féminin - Mid&Plus

Réveil Matinal -Eva Gonzalès, Sur la terrasse à Sèvres -Marie Bracquemond, Autoportrait -Mary Cassatt, Le Port de Lorient –Berthe Morisot

Une affaire de famille

Berthe, Mary et Eva, avaient chacune une sœur « complice » de leur art, les visages d’Edma Morisot, Lydia Cassatt, et Jeanne Gonzalès, accompagnent leurs sœurs, même si dans des styles différents, dans leur peinture du quotidien, quotidien oui, mais empreint d’une certaine gravité avec le sentiment que leur sujet est là sans y être, regardant au loin et absorbé par une autre vie qui aurait pu être. On a oublié qu’Edma Morisot et Jeanne Gonzalès étaient également peintres. Edma était considérée par Gustave Corot, qui fut le maître de Berthe et Edma, comme la plus douée des deux, mais voilà, Edma s’est mariée et a abandonné toute velléité artistique.

Marie Bracquemond a fait une vraie carrière, elle a vu ses œuvres acceptées au salon de peinture et de sculpture de Paris. Elle fut même l’élève d’Ingres. Elle devient une céramiste reconnue, elle expose. Degas, Monet, Gauguin, Manet, entre autres, fréquentent son salon à Sèvres. Mais Félix Bracquemond, son mari, n’est pas un garçon commode, il ne veut même pas montrer ses tableaux aux visiteurs. Elle finit par être usée par les tensions au sein de son couple et découragée par les critiques incessantes de son mari et cesse de peindre.

Un goût d’inachevé

Leur contribution majeure à l’impressionnisme mérite qu’on donne à ces jeunes femmes ardentes, passionnées et libres leurs titres de noblesse, même si elles sont aujourd’hui de plus en plus reconnues. On dit que le certificat de décès de Berthe Morisot indiquait qu’elle était « sans profession », l’exposition au Musée d’Orsay devrait nous rappeler quelle peintre elle était ! On dit aussi que Marie Bracquemond parlant du peintre Ingres, son mentor, dont elle craignait la sévérité, se souvenait qu’il doutait du courage et de la persévérance des femmes dans le domaine de la peinture et ne leur attribuait que la peinture de fleurs, de fruits, de natures mortes, de portraits et de scènes de genre ! Après tout, nest-ce pas ce qui définit l’impressionnisme, art au féminin ?

« Berthe a le génie de faire ressentir le moindre souffle de vent dans les feuilles mais peut susciter l’angoisse rien que par l’ébauche d’un sourire sur les visages impavides de ses modèles aux gestes et aux mains inachevées. » Extrait de Berthe Morisot : Le secret de la femme en noir de Dominique Bona

Anne-Marie Chust

Où peut-on voir leurs oeuvres ?

Celles de Marie Bracquemont sont exposées au Musée d’Orsay, au Petit Palais, au Musée de la Ville de Paris.
Celles de Mary Cassatt sont exposées dans la plupart des grands musées américains, dans des collections particulières.
Celles d’Eva Gonzalès sont exposées au Musée d’Orsay, au Chicago Institute, en Allemagne, dans des collections particulières.
Celles de Berthe Morisot sont exposées au Musée d’Orsay (exposition Berthe Morisot 1841-1895 jusqu’au 22 septembre 2019), au Musée Marmottan Monet, à la National Gallery de Washington, dans des collections particulières.

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