Histoire, société ou culture, difficile de classer les Garçonnes dans une catégorie tant elles ont défrayé la chronique dans les années 20. Dans l’imaginaire collectif, elles sont vues comme des silhouettes androgynes, femmes aux cheveux courts et jalouses de leur indépendance. Mais ont-elles vraiment fait avancer la cause des femmes ?
La virilisation des femmes
C’est un roman de Victor Margueritte sorti en 1922, « La Garçonne », qui a troublé les esprits, ajouté à la mode de la coupe de cheveux du même nom. Le dictionnaire la décrit comme « une jeune femme menant une vie indépendante » et les journalistes et les moralistes se sont penchés sur ce brouillage des identités sexuelles. La marque du genre étant souvent soulignée par le vêtement, des mots tels qu’émancipation, dépravation ou hypersexualité feront leur apparition. Corsets jetés aux oubliettes, effacement des seins et des fesses, l’ourlet qui remonte du sol à la cheville puis à mi-mollet, les conductrices ou les cyclistes sont dans la rue et les Suffragettes et Paul Poiret sont leurs ambassadeurs.
Une nouvelle féminité
Le cou dégagé s’orne de bijoux, les robes simplifiés de sautoirs, la cigarette se love dans un fume-cigarette, copiant Marlène Dietrich dans « L’Ange bleu ». Et toutes les femmes se parfument, ce qui fait dire à Chanel « Une femme qui ne se parfume pas n’a pas d’avenir ». Leurs noms suivent la mode avec « Divorçons » ou « Pour le sport » et « Le sien » de Patou est présenté comme un parfum masculin pour la femme sport. Le teint, habituellement brun et cuivré pour l’homme, blanc et rosé pour la femme, se brunira avec la vie au grand air et le maillot de bain. Entre l’automobile où elles rouleront à 100 à l’heure et le cheval qu’elles montent en amazone, elles n’ont peur de rien.
Et le féminisme dans tout ça ?
Égalité des genres, confusion des sexes, affranchissement sexuel, les féministes en colère se sentent trahies. La femme perçue comme le charme, la douceur, la compassion, la pudeur a changé, mais la morale guette. Il suffit d’être non accompagnée au café, au dancing ou à la plage, au volant d’une auto ou dans la rue, pour être suspectée de s’adonner à la prostitution. Certaines réclament même l’ouverture d’établissements pour dames ! Les demi-lesbiennes, les fausses lesbiennes, la bisexualité devient courante alors que le sexologue britannique Havelock Ellis dira que l’augmentation de l’homosexualité féminine est encouragée par l‘émancipation des femmes, « un mouvement sain et inévitable ».
Les garçonnes menaient une vie de garçon, « garçonnaient » et cachaient leurs coupables plaisirs dans des garçonnières. « Rien n’est moins naturel que de s’habiller en femme » écrira Simone de Beauvoir. Il fallait que ces « Mesdames-Messieurs » sauvegardent les apparences comme les femmes mariées pour couvrir leurs tendres amitiés. Le droit des femmes à s’habiller en homme sera débattu devant les tribunaux en 1930. Ce qui fera dire d’une femme lesbienne : « L’homme est un affamé, la femme est un gourmet ».
Vicky Sommet
« Les garçonnes » de Christine Bard aux éditions Autrement (octobre 2021).
L’exposition Pionnières – Artistes dans le Paris des Années folles au Musée du Luxembourg s’attarde sur cette époque particulière où à travers journaux (La Garçonne-1922), littérature, sports, arts, « garçonne, nouvelle Eve, amazone et femme nouvelle » creusent le sillon de l’émancipation féminine avec audace et indépendance. Dès les années folles, on parle volontiers de fluidité des genres, d’homosexualité et du troisième sexe. Les artistes telles Tamara de Lempicka, Marie Laurencin, Romaine Brooks, Claude Cahun ou bien Suzy Solidor ont su mettre en peinture, en image et en musique et ce dans une totale liberté l’expression des désirs féminins. Christine Fleurot
Pionnières-artistes dans le Paris des Années folles – Musée du Luxembourg – Paris jusqu’au 10 juillet 2022