Inconnue du grand public, Nathalie dirige l’agence internationale de mannequins, Women Management, en restant dans l’ombre depuis plus de trente ans. Elle connaît les coulisses du métier de mannequin qui oscillait entre soirées au Palace et défilés glamour, un métier qu’elle-même a embrassé avant de mettre en lumière la beauté des autres.
La dure réalité
Nathalie découvre son corps sur les plages nudistes de son enfance. Elle ne s’intéressait ni à la mode ni aux magazines mais, repérée par un directeur de casting à 15 ans, elle accepte de devenir mannequin pour des catalogues. Jusqu’au sortir d’une séance photo où il l’emmène en voiture et, dans un parking, la force à une fellation. N’ayant pu lui résister, elle est repartie honteuse. « Je n’ai jamais voulu me positionner comme une victime. Si je suis une victime, cela signifie que mon agresseur a tout tué en moi et c’est insupportable. » Le lendemain, elle décide de tout arrêter jusqu’à ce qu’un jour, elle passe de l’autre côté.
On m’appelait Gilda
Nathalie, grande, mince avec une chevelure épaisse, longue et bouclée, était tout à fait la Gilda campée par Rita Hayworth. C’étaient les années Palace où Nathalie regardait les autres filles et appréciait l’inventivité de leurs tenues. Entre Karl Lagerfeld et Andy Warhol, le monde de la nuit se partageait entre les verres d’alcool et les sniffs interdits. Un vieux travesti la demande en mariage. En partant à New-York pour fuir les nuits parisiennes, elle y retrouve les années SIDA. « J’ai croisé des hommes et des femmes de toutes sortes, les mêmes que j’avais rencontrés à Paris… Ils sortaient la nuit, vivotaient le jour, brûlaient leur vie, évoluaient dans la marge. Et moi qui les admirais, qui aimais tant les côtoyer, j’ai fini par avoir peur de leur ressembler. »
Les « défricheuses »
Les scouts repèrent les jolies filles, les bookeuses réfléchissent à leurs carrières. « Je me souviens avoir vu arriver Karen Mulder avec son petit sac à dos et son allure de campeuse suédoise. Tout le monde pensait qu’elle ne ferait que du catalogue, moi, je l’ai trouvée tout de suite exceptionnelle. Comme elle est devenue célèbre, cela m’a permis de devenir agente. » Rentrée chez Elite, elle côtoie les top models Cindy Crawford, Linda Evangelista ou Stéphanie Seymour. « Quand ces filles-là entraient dans une pièce, tout le monde s’arrêtait de respirer. » Après son accouchement, le milieu misogyne la remplace. Elle sera chargée du concours Elite pour découvrir les mannequins de demain avant de démissionner et de fonder sa propre agence.
Aujourd’hui, des lois encadrent la profession, la taille 32 exclue, l’âge de 16 ans requis, les filles se déshabillent dans des cabines au lieu d’être nues devant tout le monde et la diversité s’est imposée, rondes, androgynes ou transgenres. « Je suis ravie que le milieu soit devenu plus humaniste !» Nathalie aime toujours son métier et le défend : le top Tatjana Patitz ne s’entendait pas avec un cheval et il fallut en changer. « Je me revois dire au client, des chevaux il y en a plein, Tatjana, il n’y en a qu’une ! »
Vicky Sommet
« Catwalk – Itinéraire d‘une femme de mode » de Nathalie Cros-Coitton (éditions StudioFact, novembre 2022).