Il, elle, iel : être ou exister

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La mode unisexe fait la une des magazines, portée par des mannequins « queer ». Dans les médias, les réseaux sociaux, les écoles, des termes nouveaux émergent : binaires, non binaires, fluidité du genre… La recherche académique s’intéresse à l’étude du genre, mais de quoi parle-t-on ?

Au début des controverses, le sexe et le genre

Par genre, il faut entendre une construction sociale et culturelle de la féminité et de la masculinité à partir du sexe qui, lui, renvoie aux différences purement anatomiques entre hommes et femmes. L’utilisation du terme sexe entérine le fait biologique que l’on cherche à déconstruire par l’utilisation du terme genre. L’idée sous-jacente qui a pu faire polémique est que le genre renvoie à un rapport de hiérarchie, de pouvoir et pour les femmes une sorte de « sexe social » inférieur que décrient les féministes et que Simone de Beauvoir dénonce dans sa fameuse phrase « on ne nait pas femme, on le devient ». Le postulat est simple : le sexe biologique ne suffit pas à faire un homme ou une femme, les normes sociales, l’éducation, les rôles assignés y participent largement. Bref, les organes génitaux ne déterminent pas le genre, d’où la différence entre sexe et genre. Dans le cas d’hommes et de femmes dont le sexe correspond au genre assigné par la société, on parlera de personnes cisgenres qui est le modèle dominant.

Entre deux identités de genre : le spectre des non binaires et des trans

Être non binaire, c’est être d’un genre non conforme au modèle dominant hommes-femmes. C’est une identité de genre en soi. Mais la non binarité est aussi utilisée comme un terme parapluie rassemblant plusieurs identités, comme ne pas avoir de genre, se sentir homme et femme¹. Ce terme inclut les identités en lien avec la fluidité des genres, en dehors des personnes intersexes² ou des gays et lesbiennes qui se caractérisent uniquement par leur orientation sexuelle. Les personnes non binaires peuvent aussi s’identifier comme trans. Contrairement à la majorité cisgenre, certaines personnes ressentent « une dysphorie » causée par la différence entre le genre ressenti et celui renvoyé par l’entourage. La dysphorie n’est pas un choix, elle est subie et peut entrainer une grande souffrance. D’où la nécessité de s’accepter comme personne qui sort des normes et des attentes liées à un genre binaire. Cela passe par le choix d’un nouveau prénom³, parfois d’un pronom sans rapport avec son sexe biologique (« iel » a été ajouté dans l’édition en ligne du Robert en 2021), d’un travail sur son apparence allant jusqu’à une transition dans le cas des transgenres. Un trans peut se satisfaire d’une transition sociale et administrative4 et trouver un équilibre émotionnel, sans aller jusqu’à la transition médicale, lourde et rarement pratiquée.

La société change et le genre gagne en fluidité

Ce phénomène s’est répandu depuis la déferlante #MeToo qui a rendu public, à travers le harcèlement sexuel, la question du genre. Depuis 2019, dans l’état de New York, les personnes non binaires peuvent choisir de s’identifier comme neutre, X,  au lieu de M ou F sur les documents officiels. En Allemagne, il n’y a plus de mention au masculin ou féminin sur les cartes d’identité. Les jeunes générations jouent sur les identités de genre, une pratique qui reste minoritaire mais se heurte à une incompréhension qui peut mener à de la discrimination. Comment agir pour une meilleure prise en compte de ces questions alors que ceux à qui ce changement sociétal déplait, parlent d’effets de mode ? Avec les études de genre, un continent inexploré s’est ouvert, peuplé de nouveaux modèles de féminité et des canons de virilité en perte de vitesse. Un entre-deux devient possible et le genre gagne en fluidité.

Qu’on le veuille ou non, ces changements sont en cours parmi les jeunes et la simplification en France du changement d’état civil pour les personnes trans en est la preuve. Plutôt que de s’obstiner à n’accepter que l’ordre « naturel » entre les sexes, ne vaut-il  pas mieux se réjouir d’une telle richesse de potentialités ?

Michèle Robach

¹Se reporter à « Une histoire de genres, guide pour tout comprendre et défendre les transidentités » de Lexie chez Marabout, 2021.
²Personnes nées avec une ambiguïté des organes génitaux, 1,7% de la population selon Amnesty International.
³Il est possible de porter le prénom de son choix à l’école depuis la décision du Conseil d’État du 28 septembre 2022.
4Changement de prénom à la mairie, de genre au Tribunal de Grande instance où les documents médicaux ne sont plus obligatoires depuis 2016.

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