Le genre de nos assiettes

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« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. » Origine, catégorie socioprofessionnelle, style de vie, croyances, tabous, nous orientent sur le choix des aliments. Mais ce que l’on mange n’échappe pas aux stéréotypes de genre. Mieux vaut en être conscients et ainsi préserver l’avenir de la planète.

Prendre du muscle, perdre du poids

Les hommes ont une alimentation plus carnée que les femmes¹. La dernière étude de l’Anses (Inca3) montre qu’en moyenne les hommes consomment deux fois plus de viande rouge (61,2g/j) que les femmes (34,1g/j), ces dernières privilégiant les volailles. Observé dans toutes les enquêtes portant sur l’alimentation des Français, ce différentiel de consommation était déjà analysé par le sociologue Pierre Bourdieu dans les années 70. Il serait le fruit d’une attitude plus hédoniste chez les hommes à l’égard de l’alimentation, ceux-ci étant moins soumis aux injonctions nutritionnelles et esthétiques que les femmes. La publicité et le marketing renforcent ces choix. Les magazines féminins nous vendent les tisanes détox, du yaourt 0%, jamais de burger au cheddar et nous sommes perméables à ces messages subliminaux qui ciblent notre inconscient. La féminité est caractérisée par le corps, la minceur, la modération, le sex-appeal. Déjà, en 1950 l’autrichien Ernest Dichter, psychologue et expert en marketing mit au point l’idée que les publicitaires devaient trouver une réponse adéquate aux besoins des consommateurs en leur suggérant que la nourriture avait un sexe.

Fort comme un bœuf

La viande évoque la force, donc la performance. La force étant une caractéristique attribuée aux hommes, c’est bien le développement musculaire qui est le but recherché dans l’absorption de viande et en particulier de viande rouge. Pourtant l’idée que la viande est l’aliment le plus important d’un point de vue nutritionnel est fausse. Dans 100g d’amandes, on trouve 25g de protéines de plus que dans le jambon ou le magret de canard, idem pour les graines de courge versus le gigot d’agneau. Depuis quelques années, on nous incite à manger moins de protéines animales pour des raisons écologiques, éthiques (la maltraitance animale) et sanitaires. Mais la gente masculine résiste et les femmes sont plus nombreuses que les hommes à réduire leur consommation de viande.

« Le barbecue fait l’objet d’un quasi monopole masculin. » D’après une enquête de l’IFOP-Darwin de 2022 réalisée sur un échantillon de 2 000 hommes âgés de 18 ans et plus, 78% d’entre eux s’occupent plus souvent du barbecue que leur conjointe, dont 48% de façon exclusive. Une forte majorité estime qu’ils s’occupent mieux des cendres, de la fumée, de la cuisson.

Assurons notre avenir

Dans tous les pays du monde, les femmes vivent plus longtemps que les hommes². Parmi les nombreuses raisons, environnementales, biologiques, comportementales, il y a l’alimentation. Les maladies potentiellement mortelles, fréquentes dans les pays industrialisés (cardiovasculaires, diabète, cancer du colon), frappent davantage les hommes qui mangent plus gras et plus salé³. Avec le tabac et l’alcool qui touche davantage les hommes, la nutrition est le premier facteur de risque. Une étude de l’OMS sur les effets cancérigènes alarmistes de la viande rouge a déclenché en 2015 la colère des éleveurs et des élus. L’impact a toutefois été visible en France avec une légère diminution des viandes rouges, notamment grâce aux discours environnementaux (leur production est très polluante4) et sanitaires. Reconnaître que les hommes mangent plus de viande que les femmes est un progrès tant pour le climat que pour la santé. En effet, leur adhésion aux recommandations alimentaires visant à en limiter la consommation est un des leviers individuels les plus décisifs5.

Les disparités alimentaires entre hommes et femmes ne seraient guère un problème, s’il n’y avait pas un enjeu planétaire à réduire la consommation de viande. Hélas, il reste encore du travail pour qu’un plat de lentilles ou de quinoa soit aussi désirable pour les hommes qu’un steak cuit au barbecue !

Michèle Robach

¹Sondage IFOP pour Darwin Nutrition : Viande, genre et politique.
²Average life expectancy at birth in 2020 by continent and gender (statista 2020.)
³Cancer : Cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de viande transformée, OMS 2015.
4Lutter contre le changement climatique grâce à l’élevage (FAO, 2014).
575,8 % des femmes se conforment aux recommandations de Santé publique France, contre 59 % des hommes.

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