Cindy Sherman : pièces d’identité

0

La Fondation Louis Vuitton a mis en place de judicieux outils numériques pour découvrir virtuellement et malgré tout sa grande exposition consacrée à Cindy Sherman. Une rétrospective qui nous parle finalement peu d’elle mais beaucoup de notre société. Entre ironie et trash, entre attraction et répulsion.

Briser les codes et les canons

Cindy Sherman sait tout faire, tout jouer et… toute seule. « Actrice, costumière, modèle, technicienne, éclairagiste, truqueuse, accessoiriste, retoucheuse et… artiste », la photographe américaine travaille pratiquement depuis 1975 sur un seul sujet : elle-même. Dans cette omniprésence dans l’image, nulle démarche narcissique : elle explore seulement dans le moindre détail notre société, en particulier la société américaine. À travers ses photographies, elle appuie là où cela fait mal, elle épingle le détail qui tue, avec dérision et cruauté, cherchant avant tout à déconstruire les stéréotypes féminins véhiculés dans le cinéma (Untitled Film Stills), la mode (Fashion) ou la presse, à dénoncer la tyrannie des codes sociaux ou encore à s’interroger sur la « fluidité des genres » (Men).

Démêler le vrai du faux

Maîtrisant à la perfection l’art de la mise en scène et de la métamorphose, s’inspirant des médias, de la publicité, de films ou d’œuvres classiques de l’histoire de l’art (History Portrait), l’artiste entretient la confusion dans l’identité de ses personnages à coup de fausse référence, réminiscence trompeuse ou « illusion citationnelle« . Là où la photo est censée imprimer la réalité des visages, Cindy Sherman nous montre le trucage, l’artificialité de la situation. Aucune œuvre n’est explicitée par un un titre, juste un numéro et une date : à chacun sa vérité. La très belle scénographie choisie par la plasticienne, avec ses jeux de miroir et ses murs aux couleurs flashy contribuent à accentuer le trouble du visiteur.

 » On se trompe si on pense que je réalise des autoportraits. J’agis exactement comme un acteur, comme une actrice »  (Cindy Sherman – Les Inrocks)

La beauté du laid

En parfaite technicienne de la photo (argentique ou numérique), lumières, angles de vue et cadrages sont réglés au cordeau. Derrière ses qualités picturales incontestables, méfiez-vous cependant de l’artiste, elle peut vous balader du beau vers le trash, de la peinture classique au carnavalesque (Clowns). Même lorsqu’elle est absente de l’image, il y est toujours question du corps. Poupées désarticulées, démembrées (Sex and Surrealist Pictures) ou matières en putréfaction (Disasters), elle n’hésite pas alors à tutoyer les frontières du gore, dénonçant d’une manière clinique et dérangeante l’hypersexualisation de la femme à travers les médias. Ou quand le grotesque devient esthétique.

À 66 ans, Cindy Sherman toujours fidèle à cet exercice solitaire et intime, reste active et transgressive, en particulier sur son compte Instagram,  jonglant avec les filtres et logiciels de retouche. Malgré sa notoriété et sa cote sur le marché de l’art, bien malin serait celui qui reconnaîtrait dans la rue celle qui ne se ressemble jamais d’une photo à l’autre.

Christine Fleurot

PRÉPAREZ VOTRE VISITE VIRTUELLE
Cindy Sherman – Une rétrospective 1975-2020 
– Fondation Louis Vuitton – Jusqu’au 31 janvier 2021.
– Tous les soirs à 18h sur réservation une micro-visite interactive (30mn) en petit groupe de 9 en compagnie d’un médiateur culturel (entre 2 à 4€ la connexion).
Un parcours filmé (20mn) commenté par les commissaires d’exposition
Un café-expo thématique le samedi matin à 10h
– Une approche ludique sur Instagram ≠FLVCHEZVOUS

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.