En verre et contre tout

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Les Nations Unies ont proclamé 2022 « Année Internationale du Verre »* en soulignant le rôle du verre dans les domaines scientifiques, économiques, artistiques et culturels. De nombreuses manifestations sont prévues dans 90 pays sur les 5 continents. Le verre est essentiel à de nombreuses technologies vitales, il facilite la transition vers un monde plus durable et embellit nos vies.

♦ Du patrimoine à la haute technologie
par Vicky Sommet

Du grain de sable au produit soufflé par l’homme, le verre est un matériau vivant, présent dans la salle de bains, la cuisine, les transports, les communications (votre smartphone en est le témoin), la décoration ou les bâtiments et… sur la table. Des noms prestigieux ont traversé les époques comme Daum, Baccarat, Murano ou Lalique** et c’est à l’occasion du centenaire de leur manufacture à Wingen-sur-Moder en Alsace que le vase emblématique créé en 1927 par René Lalique, Bacchantes, se décline en une version bleue avec toujours le décor d’une ronde de femmes nues. Le trophée Lalique au patinage artistique, les médailles des Jeux Olympiques d’Albertville ou le vase Véronèse de Venini datant de 1921, sont des œuvres d’art fragiles mais qui traversent les époques. Du travail manuel du verre à chaud ou à froid, du soufflage au chalumeau à la sculpture sur pâte de verre, le verre relie dans la continuité le patrimoine à la haute technologie.

*Année internationale du verre
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Musée Lalique
, rue du Hochberg, 67290 Wingen-sur-Moder. Tél 03 88 89 08 14 ou 03 88 89 96 89 (le week-end).

♦ « Le savoir verre »
par Christine Fleurot

Pour ceux qui sont en quête de mieux connaître le fascinant monde du verre, matériau  qui commence par un grain de sable et qui finit en flacon ou baie vitrée, le site des Routes du Verre*, initié spécialement pour cet événement, est pour eux. Une carte enrichie en permanence permet d’identifier par région, par savoir-faire et par produits les nombreux acteurs de cette filière. Ainsi ateliers d’artisans, manufactures, musées et galeries d’art, écoles et formations, usines et lieux de recherches sont identifiables en un clic. On y apprend qu’à Paris existe un musée itinérant de la perle ancienne de verre française, le Mipaf, qu’un musée citoyen des arts verriers a investi la salle de restaurant de l’ancien Hôtel Splendid à La Bourboule ou que le Cervaf (Centre européen de recherches et de formations des arts verriers ) situé dans la région historique verrière de l’Est est accessible au public. Autant de portes ouvertes pour comprendre la magie de ce travail qui part d’un liquide en fusion pour arriver dans nos mains sous forme dure ou fragile.

*Routes du verre

♦ À Conques, Soulages entre verre et pierre
par Michèle Robach

À l’Abbatiale Sainte-Foy de Conques*, Soulages a magnifié le verre au point de créer des vitraux où se révèlent, au fil du jour,  les variations chromatiques de la lumière naturelle. Aux travers des quelques 104 vitraux qu’il a conçus, l’artiste fait apparaitre une lumière modulée qui varie du bleu et devient gris orangé là où le tracé souple et ondulant des lignes de plomb retient sa diffusion. La lumière est une matière entre les mains de Soulages, une matière qui joue avec le temps selon les heures de la journée, qui joue également avec les pierres, du calcaire jaune et du  grès tirant sur le rouge, au schiste bleuté. Le résultat brouille un peu les formes mais respecte cette palette délicate de couleurs. Il en  ressort un ensemble de tableaux qui se regardent aussi de l’extérieur, tels des émetteurs de clarté incitant à la contemplation, au silence, au recueillement.

*Office du tourisme de Conques

♦ Aristide Najean ou la cathédrale de verre
par Anne-Marie Chust

Créatif depuis son plus jeune âge, peintre, dessinateur, Aristide Najean étudie aussi l’architecture puis découvre le verre de Murano en 1986, alors âgé d’à peine 27 ans. Il y a d’abord LA rencontre entre l’artiste français et le Maître Verrier Mario Badioli à Murano qui l’accueille dans son atelier, l’accompagne dans sa connaissance de la matière et lui apprend à souffler et à cuire lui-même son verre, le verre qu’il colorise, auquel il donne des formes amples, sinueuses, souvent, organiques. Par son apport artistique, Aristide Najean contribue à donner une nouvelle dynamique à l’art du verre vénitien, comme le prouve le vieil atelier qu’il a rénové et transformé en une véritable cathédrale de verre. Il a travaillé avec les plus grands, dont certains designers de renommée mondiale, comme Philippe Starck, grâce auquel il réalise des projets avec Baccarat par exemple, ou le Royal Monceau à Paris.

Mais Murano traverse aujourd’hui une crise existentielle, menacée par la cherté de l’énergie. Pour fabriquer le verre, il faut maintenir les fours à 1400 ° et il faut deux semaines pour atteindre cette température. Les machines tournent d’ordinaire 24 h sur 24, alimentées par du méthane, gaz importé dont le prix a été multiplié par 5, et des fours ont déjà dû être mis à l’arrêt¹. Mais Aristide Najean résiste, il refuse d’éteindre ses fours même s’il ne rentre pas dans ses frais, car il veut « continuer à créer des œuvres qui rayonnent et apportent de la joie. »

¹La région Vénétie vient de débloquer trois millions d’euros pour assurer quelques mois de sursis à cette fragile industrie.

À DÉCOUVRIR

Le Centre international du vitrail de Chartres (CIV) présente jusqu’au 31 décembre 2022 une exposition de 42 œuvres monumentales de l’artiste coréen Kim En Joong qui a renouvelé l’art ancestral des vitraux. Son oeuvre en vitrail est l’une des plus importantes du 21e siècle en France et dans le monde entier. L’exposition a lieu dans le cellier de Loëns, la magnifique salle voûtée du 12e siècle située au sous-sol du CIV.

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