Françoise Sagan, héroïne malgré elle

0

C’est l’histoire d’une rencontre entre écrivains dans la maison américaine de Tennessee Williams où Françoise Sagan est invitée pendant son séjour aux Etats-Unis. Rencontre réelle ou imaginée ? Le lecteur décidera !

Éponge à particularités

C’est ainsi que Frank Merlo, l’amant de Tennessee, le décrivait. D’un côté, le maître de maison, auteur de pièces à succès, mais buveur invétéré, amateur de pilules en tout genre et sujet à de fréquentes crises de dépression. De l’autre, l’écrivaine Carson McCullers, romancière en mauvaise santé, minée par des rhumatismes et une anémie persistante et, au milieu, la jeune Françoise Sagan qui ne voulait pas intervenir dans les disputes fréquentes de ce groupe mal assorti et que Tennessee avait invitée car elle « faisait sauter le bouchon du conformisme avec son roman Bonjour tristesse ». Frank le Sicilien avait la délicate mission de servir d’interprète et dès leur première rencontre, ils eurent tous en eux quelque chose de Sagan !

La chaleur de Key West

Iguanes et cafards, mérous et moustiques, le climat de cette île en ce printemps 1955 est inhabituellement chaud et faisait dire à Sagan « On se croirait sous un fer à repasser ».  Avec sa délicatesse d’esprit et la promesse de joies et de rires, ils étaient tous tombés sous le charme de la petite Française. Ventilateur tournant à plein régime, les verres rechargés en citronnade, elle raconta son séjour à New-York, harcelée par les journalistes qui pensaient que le roman avait été écrit par quelqu’un d’autre, lui demandant si elle avait vécu tout ce qu’elle racontait sur les rapports amoureux et les tromperies. Key West fut pour elle une halte reposante et amicale inespérée.

Dépressif déjà dans le ventre de sa mère

Entre la schizophrénie de sa sœur Rose, ses terreurs nocturnes, une mélancolie latente et ses addictions pour oublier son état dépressif, Tennessee n’était qu’un joyeux luron en apparence. C’est la présence de Françoise qui avait déridé ce petit monde, très attiré par elle pour Carson qui aimait les hommes et les femmes tout comme Frank Merlo. Tennessee, le seul à aimer les hommes uniquement, jouissait de cette situation légèrement équivoque entre les hôtes de sa maison. Mais ce qui surnageait de cette proximité, c’était le doute, ce sentiment qui bloque un écrivain, le conscient et l’inconscient qui se mêlent dans la création, et la magie qui survient lorsque l’écriture vous installe dans un esprit comateux propre à la création.

« Le travail ne suffit pas. Il faut que se produise, en cours de travail, une illumination, une étincelle divine qui révèle l’œuvre dans toute sa netteté et qui l’équilibre » pensait Tennessee.

Pour l‘auteure de Jours brûlants à Key West, le travail de recherche et de psychologie des personnages ne fait aucun doute et vous lirez ce roman comme un témoignage ou ce témoignage comme un roman… ou les deux à la fois !

Vicky Sommet

Jours brûlants à Key West de Brigitte Kernel aux éditions Flammarion (janvier 2018)

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.