Hommage aux héroïnes romantiques

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Le Musée de la Vie Romantique consacre aux héroïnes du passé, de fiction, de scène, toutes romantiques, complexes et désenchantées une exposition riche d’une centaine de chef d’œuvres. Peintres, sculpteurs, écrivains, artistes en tous genres se sont saisis au cours de la première moitié du 19e siècle de ce modèle de la femme aux accents tragiques, source inépuisable de créations nouvelles.

La femme sacrifiée

Pour la plupart, en proie à une passion amoureuse, s’achevant par un exil, un retrait du monde, une mort dramatique et précoce, ces femmes sont souvent représentées pour leurs qualités « féminines » : gracieuses, fragiles, sensibles, dévouées, désemparées, implorantes. Elles incarnent toutes un modèle féminin sacrifié. Ainsi, parmi les quelques soixante représentations de Jeanne d’Arc durant la première moitié du 19e siècle, Fragonard la représente debout sur le bucher, les yeux levés vers le ciel, telle une sainte martyre, suspendue entre ciel et terre. Jacquard s’intéresse également à son destin fatal en la peignant, l’air innocent, conduite en prison, dans la nuit d’un caveau.

La femme érotisée

Puisqu’elles sont, pour la plupart, l’objet d’un regard masculin, les femmes romantiques sont souvent représentées dénudées ou vêtues de drapés vaporeux et sensuels. Ainsi, Cléopâtre est peinte par Jean Gigoux en train de mettre fin à ses jours, allongée sur son lit, entièrement nue, entre plaisir et souffrance, attisant tous les fantasmes dans ces années romantiques. Ophélie, personnage inventé par Shakespeare, lorsque abandonnée par son amant, sombre dans la folie et meurt noyée. Elle est représentée par Léon Burthe, la poitrine dénudée, drapée dans une robe qui laisse deviner son corps.

La femme violente

Certains peintres vont briser cette idée de la « nature féminine ». Delacroix s’intéresse à Médée, personnage mythologique qui, répudiée par son époux, tue leurs deux enfants par vengeance. L’infanticide inspire les peintres romantiques. En revanche ils ont grandement contribué à l’effacement des figures féminines politiques. Ainsi les pionnières du féminisme telle qu’Olympe de Gouges ou Théroigne de Mérincourt ne sont pas représentées en peinture. L’assassinat de Marat par Charlotte Corday en 1793 fera l’objet de plusieurs tableaux, mais elle est accusée par ce crime « d’être sortie de son sexe ». Seule durant cette période romantique, La sculptrice royaliste Félicie de Fouveau représente une femme de pouvoir : la reine Christine de Suède au moment où celle-ci, impitoyable, refuse de gracier un de ses fidèles écuyers soupçonné de trahison.

Grandes héroïnes imaginaires ou réelles, toutes ces femmes aux destins dramatiques ont nourri les fantasmes d’artistes romantiques prisonniers des clichés de l’époque qui les représentent  le plus souvent déchainées par leurs passions. La plupart sont des figures de femmes sacrifiées, au bord du précipice. L’exposition traduit une certaine idée et vision de la condition  féminine durant la première moitié du XIXe siècle, très fortement défavorisée par le code civil napoléonien de 1804 qui interroge nos débats contemporains.

Michèle Robach

Héroïnes romantiques, Musée de la vie romantique, 16 rue Chaptal, Paris 9e, jusqu’au 4 septembre.

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