Il est urgent de faire le ménage

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S’il fallait réunir l’ensemble des lois en vigueur en France, elles représenteraient un livre de 23 000 pages, pour certaines devenues aberrantes avec le temps. Bruno Fuligni, essayiste, s’y balade avec humour pour y débusquer tant leur poésie absurde que ce qu’elles révèlent de notre histoire. De sérieuses révisions s’imposent…

Les pouvoirs du législateur

♦Le Président de la République ne peut pénétrer dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale mais il peut entrer à cheval dans la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome.
♦Il peut marier un mort et en vertu de textes oubliés, la Légion d’honneur sur trois générations peut conférer la noblesse.
♦Un seul Français porte le titre de Grand Roi, le négociant Courjon qui vivait en Inde dans des territoires français, en fut gratifié pour avoir aidé l’émissaire du gouvernement à remettre de l’ordre dans ces possessions lointaines. Nommé Maharadjah, prince de Chandernagor, il pouvait marcher sous l’ombrelle sacrée, exercer un droit de vie et de mort et pouvait décider de faire écraser par un éléphant la tête de celui qui l’aurait mécontenté.

La loi au pas cadencé

♦La dignité d’amiral n’est plus décernée depuis le Second Empire mais perdure toujours avec sa tenue spécifique aux sept étoiles et une pension de €115 par mois. Le dernier amiral fut Charles-Henri d’Estaing, héros naval de la guerre d’Indépendance américaine qui finit guillotiné « Quand vous aurez fait tomber ma tête, envoyez-la aux Anglais, ils vous la paieront cher ».
♦Autre militaire, Napoléon. C’est au Parlement que fut discuté l’emplacement des restes de l’Empereur rapportés de Sainte-Hélène. « Il importe que cette sépulture auguste ne demeure pas exposée sur une place publique, au milieu d’une foule bruyante et distraite… À ce titre, il pourrait être inhumé à Saint-Denis, mais il ne faut pas à Napoléon la sépulture ordinaire des Rois. » Le temple des Invalides consacré au dieu des armées fut le lieu retenu au final.

Nul n’est censé ignorer la loi

♦Dans l’article 16 de la Constitution, il est écrit que « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés… » avec une belle faute d’orthographe, menacées serait plus juste. Personne ne s’en est ému et 82,6% des Français l’ont approuvée lors du référendum de 1958.
♦Concernant l’écologie, une ordonnance de 1806 stipule qu’« Il est défendu d’établir dans la Ville de Paris aucun Atelier, Manufacture ou Laboratoire qui pourraient compromettre la salubrité ou occasionner des incendies… ». ♦Toujours en vigueur, la loi qui autorise l’État à vendre les copies de tableaux exécutées dans un musée.et abandonnées par leurs auteurs.
♦Ou encore les poissonnières du Vieux-Port de Marseille verbalisées en juin 2018 parce qu’elles n’affichaient pas le nom scientifique latin des poissons. « Elle est belle ma rascasse » se dit en vertu d’une réglementation européenne, « Elle est belle ma Scorpaena scrofa » ou « Elle est belle ma Trachyscorpia cristulata echinata ».

Pour éviter de vivre en absurdie, il serait bon que régulièrement les élus fassent le ménage dans nos lois pour en abroger certaines et en modifier d’autres.  Et que chacun retrouve ses petits !

Vicky Sommet

« Les lois folles de la République » de Bruno Fuligni (éditions JC Lattès, septembre 2021).

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